J’ai voulu aller faire une balade rafraîchissante sur l’onde verte et calme du lac, aller en quête solitaire d’un petit coin où tout serait douceur, et, pourquoi pas, y faire des rencontres que je n’attendrais pas.
Alors j’ai cherché sur les bords du lac la barque qui pourrait être ma complice, qui pourrait m’emporter vers le coin encore mystérieux duquel je ne savais encore rien.
Celle que j’ai trouvée était toute disloquée, écartelée, desséchée par le temps qu’il fait et le temps qui passe – car elle était là depuis bien longtemps m’a-t-il semblé, et elle s’était avachie là où quelqu’un l’avait abandonnée.
Elle était morte en quelque sorte. Gisant entre souches et pierres inertes, sur le sol gris dont elle prenait la teinte terne.
Une désolation qui montrait combien elle avait été belle !
Alors, l’âme un peu peinée, je suis allée plus loin, le long des petits abers qui rendent tortueuse la ligne eau/terre. Souvent, quand les eaux du lacs s’en vont, s’échouent entre les touffes d’herbes de petites embarcations de bois oubliées.
La seconde barque que j’ai pu voir, posée sur un sol de branchages et de racines était prête à partir, le nez en avant sur la pente douce qui descendait vers l’eau.
Mais en approchant j’ai constaté que celle-ci aussi ne pouvait guère faire l’affaire : son plancher était crevé, son banc désolidarisé de la coque… Elle aurait facilement coulé !
J’ai continué d’avancer sur la berge.
Laissés sous la voûte des arbres, je croisais d’autres de ces petits canots voués, en des temps passés, à la pêche en solitaire.
Tous abandonnés, tous plus ou moins délabrés, à l’abri des regards et des intempéries.
Perdus.
Quelques uns pourtant, arboraient encore de belles couleurs vives, et tournés vers un horizon incertain appelaient au voyage, du moins celui de l’imagination.
Je me contentais alors de les regarder. D’inventer l’histoire de chacun.
De me dire que ces bateaux, aussi petits et insignifiants soient-ils, devenaient mes rencontres inattendues et que, toute empreinte d’une tristesse floue, j’avais approché le rêve et la sérénité.
*photos réalisées avec un vieux téléphone…
Il y a du rêve et de la mélancolie dans ce « voyage malgré tout ». La désolation de la première image prend peu à peu des couleurs au court du récit. Un beau moment de poésie.
Revenu te lire et regarder tes photos avec plaisir. Une méditation sur le temps qui passe, le temps perdu, l’usure du temps
La vieillesse est un naufrage, disait je ne sais plus qui … Sauf que là, il s’agit surtout d’abandon. Voire de (haute) trahison !
Et qu’importe, finalement, que tu n’aies pas eu ton appareil photo : l’ambiance est là, et peut-être même plus tristoune encore …
Même avec un Instamatic, tu nous ferais de très beaux reportages !
Mélancolique balade. Certains jours, je me sentirais assez proches de ces barques-là. Échouées, abîmées par un trop long et périlleux voyage. Ou jamais parties… J’ai beaucoup de sympathie pour ces épaves (et pour les épaves en général).
Tu nous emmènes dans une bien jolie balade à travers le temps qui passe. Les carcasses de bateaux font rêver.
N’empêche que c’est un joli voyage que tu nous offres. Poétique et mélancolique.
En tout cas, tu nous auras « embarqués » avec tes mots.
Un petit côté impressionniste à ces photos, non ?
J’aime ces échouées lourdes de voyages qu’elles ne feront plus..;et si légères dans leur tristesse disloquée. Tu rends cela très bien, avec ta poésie. je ne suis pas d’accord : les photos sont belles, parce que remplies de ce que ton regard y met.
J’erre de nuit entre ces carcasses de barques, dans un lieu fantomatique. C’est assez surréaliste.
J’aime bien le bateau bleu des dernières photos, touche poétique au milieu de la mélancolie.
Merci Claude.
Il est vraiment vert, vert sapin,ce bateau, mais les photos sont de qualité très moyenne !
Il paraît tantôt bleu, tantôt vert, c’est une question de lumière plus que de qualité des photos.
Merci pour ce bel écrit plein de poésie. C’est incroyable toutes ces barques abandonnées, toutes auprès du même lac? C’est auprès de chez toi?
Merci Marie, oups, pardon, MF.
Oui toutes auprès du même lac et sur seulement une portion car je n’ai pas fait tout le tour. Un lac artificiel de barrage d’eau potable tout près de chez nous.