L’endroit est chicos.
Ambiance feutrée, décor sobre mais chaleureux. La table qu’il nous avait réservée était la meilleure de toutes, au bout du ponton, dos à la salle, de telle sorte les autres convives, derrière moi, semblaient ne plus exister.
Cette attention particulière m’inquiéta … Je me détournai donc du spectacle du fleuve ensanglanté de couchant pour surveiller son arrivée.
L’homme que je vis peu après s’avancer correspondait si peu à l’idée que j’avais pu m’en faire, que, sur l’instant, j’écartai la possibilité que ce fût lui.
Une allure de panthère, souple et silencieuse, une façon assurée de contourner les tables en offrant aux dîneurs un regard à la fois hautain et courtois, un sourire à peine esquissé. Grand, svelte, la cinquantaine à peine grisonnante, un bel homme … mais qui se dirigeait définitivement vers ma table.
Sa proie, c’était donc bien moi …
Il augmenta légèrement le dessin son sourire sans que son regard quittât son acuité froide, et inclina son buste vers moi avec un imperceptible dédain, une once de condescendance qui ne m’échappa pas. Et qui n’étaient d’ailleurs pas faits pour être cachés.
Dans la seconde, je me sentis godiche.
A défaut d’inspiration, j’inclinai la tête et d’un geste l’invitait à s’asseoir.
Ce que je me peux me sentir tarte, dans ces cas-là !
« Vous verrez », me dit-il en préambule et tout en s’asseyant, « la cuisine est excellente, vous aimerez, j’en suis certain ».
« J’ai bien réfléchi, j’accepte votre contrat », répondis-je avec une assurance que j’étais loin de ressentir, et ne voulant pas non plus me laisser entraîner dans une conversation toute en mondanités sirupeuses dont les codes, je le sais, m’échapperaient très vite : la classe, c’est pas trop mon truc.
« Je sais », sourit-il, « sinon vous ne seriez pas là. Mais vous ne voulez pas profiter un peu de l’instant avant que nous parlions affaires ? Ce cadre est magnifique, n’est-ce pas … Dommage, ce n’est pas l’heure du mascaret, pourtant le coefficient de marée nous aurait assuré un beau spectacle ce soir. Vous connaissez ce phénomène, n’est-ce pas ? Cette vague qui remonte la fleuve jusqu’ici et même au-delà …
Il marqua une légère pause : « On peut la surfer parfois. C’est important de savoir prendre la vague ... », ajouta-t-il en détournant lentement ses yeux du fleuve pour me fixer à nouveau.
La menace, là, je l’ai pas rêvée ?! ….
Il se pencha légèrement vers moi. Son regard froid contredisait le ton apparemment affable et courtois de sa conversation. Cet homme est bien le ponte avec qui j’avais rendez-vous, il n’y a plus aucun doute …
« C’est vrai que vous n’êtes pas d’ici’, ajouta-t-il. « Mais je suis sûr que vous connaissez Marie-Jeanne ! Mais si, faites un effort … Tâchez de ne pas trop lui ressembler … »
Je détournai prestement mes yeux vers le spectacle des eaux boueuses de la Garonne rendue à la nuit.
J’ai dans les oreilles la voix de Joe Dassin, et une vrille au creux de l’estomac.
J’aurais peut-être pas dû le prendre, ce contrat, finalement ….
PETIT ATELIER D’ÉCRITURE …
Mais ATTENTION ! Toute histoire d’amour et tout romantisme sont rigoureusement interdits !!! A vous …….
∗ titre inspiré d’une musique de Sage
Rooh l’apparition de Gévé, l’évocation de Feu cent feux et même de Kéké Martello, ça m’émeut tiens ! (j’aimais le lire, le Kéké. Il avait des textes magnifiques ! )
J’hallucine ou quoi ? Je l’ai pas rêvé ce très léger plissement de la lèvre supérieure droite, oui, droite, comme un rictus, j’ai même entrevu l’émail blanc de sa canine de carnassier, dans un flash je vois la dernière séquence du bal des vampire, quand il s’enfuit avec sa copine, sur le traineau, poursuivi par les loups, elle se penche tendrement vers lui pour l’embrasser dans le cou … Mon sang reflue dans mes chaussettes, je suis glacée de terreur, je voudrais me carapater vite fait loin de cette nuit glauque qui couvre le fleuve dont je ne vois plus que les remous inquiétants dans les reflets livides de l’astre nocturne.
Le loufiat lui sert un dé à coudre de Château Haut-Brion, il goûte, les yeux mi-clos, un discret sourire jouisseur aux lèvre, et d’un geste élégant fait signe de la main « servez madame » dit-il à mi-voix, et pour moi, d’une voix de glace, « goûtez ce vin, c’est du velour ».
« Le rouge, ça se boit pas frappé » j’ai envie de lui dire, mais les mots me restent coincés au fond de la gorge. Il a saisi la bouteille et fait mine de lire l’étiquette, ce n’est pas la bouteille qu’il serre dans sa main je dirais ! Une poigne de verre sur un nectar de velours … Une main de fer … je m’égare, je perds pied, je tente de sauver la face, goûter son pinard coûte que coûte, je m’étrangle, je tousse, je crache ma gorgée sur son plastron, il marque un bref mouvement de recul, lève un sourcil, l’air navré,( navré mon cul sale con ! je pense), siffle le larbin qui rapplique dare-dare, à quatre patte le larbin, de sa serviette blanche il s’applique à éponger les tache de ce délicieux nectar, quel gâchis, une vague de sang, comme un torrent méditerranéen en crue à l’automne, remonte par mes guiboles jusqu’à mon front.
Je rougis de confusion (mais quelle conne ma pauvre, je me dis !), il me toise, il n’a pas laché une fraction de seconde son sourire affable, il me tient dans la paume de sa main.
La honte et la rage jamais je l’ai eue comme ça ma parole, je le gifle !
« Vous la connaissez donc très bien, Marie-Jeanne! »
C’est laché comme ça, sans même hausser le ton !
Je me lève et le plante là !
Ouah houuuuu, Antoine !!! L' »original » n’est plus qu’une pâle copie face ton texte … Suis pas peu fière d’être ta copine 😉
Ca fait du bien des fois, une paire de claques, tu crois pas ?
Euh … non, jamais, je crois !!!
Mékilefébien, notre Antoine !
Hier soir, j’avais mis le cahier et le stylo au pied de mon lit pour y arriver ! Autrement dit les grands moyens ! C’est que le défi était de taille! Et voilà qu’elle nous laisse à peine le temps de souffler, il faut s’y coller à nouveau ! Elle pousse un peu trop le bouchon, là !
Joli, Antoine !♥
Ben alors, qu’est-ce qu’on fait pour la petiote ?
OOOOh La laaaa ! Une suite à une histoire pareille et si bien écrite, quelle tension !
Je vais tenter de m’y coller, mais ça va être dûr !
Juste une tite question: Feu sans Feu, c’était pas l’envahisseur des commentaires sur le Wizzz ?
Non, du tout, Antoine. L’envahisseur s’appelait Eric Jesaisplusquoi, alias Kéké. Feu cent feux, très discret, était l’ennemi juré des chats, et il écrivait de très jolis poèmes.
Eric Martello, alias Pixel, et plein d’autres pseudos, communément résumé par le surnom de « Kéké » .. Oui, on peut dire qu’il nous en a fait baver, cet écorché ! Mais il faisait des peintures numériques à tomber, et (parfois) des poèmes magnifiques. Il est mort d’une tumeur au cerveau au moins 2 ans avant la fin du wizzz.
Feu c’était notre réac à nous qu’on avait … L’œil aiguisé et le mot assassin, … mais juste !!
Mais bon, l’Antoine, il vit souvent sur une autre planète, c’est donc normal qu’il ait vécu sur un autre wizzz … Et c’est aussi grâce à ça qu’il nous colle des bonhommes à réverbères jusque dans les commentaires :-)))))
Faut que je relise encore (c’est ma deuxième lecture …)
Tueur à gages… Escroc… ?
Je n’arrive pas à cerner ce « Ponte de la Garonne.
C’est à toi de te faire une opinion …. Hé hé !
Je connaissais effectivement Marie-Jeanne mais ne voulais pas l’admettre devant cette personne qui semblait lui en vouloir.
Tout le monde la connaissait, la voyant sillonner les rues sur son vélo muni de deux paniers, l’un sur le guidon, l’autre sur le porte-bagage, ses bourrelets serrés dans ses tenues moulantes et criardes, et son vélo grinçant de peine à chaque tour de pédale. Tous la désignent sous le nom affectueux de « la jeune mémère à chats ».
Oui, je la connaissais depuis longtemps et ai eu connaissance de ses déboires récents : à priori elle n’avait pas respecté ce contrat auquel je m’accroche dorénavant, un intérim bien rémunéré.
C’est donc un peu grâce à elle si j’ai pu être là assise devant ce personnage hypocrite qui se surnomme lui-même Feu sans Feu ! , laissant planer le doute sur les significations de ces « feu ».
Mais je ne savais pas encore les termes exacts du contrat tellement celui-ci est ambigu.
J’avais néanmoins compris qu’il s’agissait d’éradiquer une certaine engeance…
La suite bientôt…
Ou bien vous continuez l’idée comme bon vous semble…
Oh !!! Feu sans feu (ou « feu cent feux » ?!) ….
Mais, physiquement, je ne l’imagine pas du tout comme ça !!!! Mais alors pas du tout, du tout … !
Merci pour cette suite, MC. « Feu » en beau mafieux, ma foi, je n’y aurais pas pensé !
Mon histoire de mémère à chats (elle existe) m’a fait penser à Feu cent feux… et à son « amour » tout spécial contre la gente féline. C’est donc effectivement un clin d’oeil à ce vieux monsieur de la neige, mais le mien s’appelle Feu sans feu 🙂
Feu cent feux, c’est un très vieux monsieur. Ravi qu’il reprenne du service avec Cécile.
Personne ne sait ce qu’il est devenu ? Il avait quitté le wizzz bien avant que ce wizzz nous quitte.
Je crois aussi que c’est un vieux monsieur. Mais qui a su préserver totalement son anonymat sous le personnage (parfois odieux) qu’il s’était créé. Dans les échanges directs, c’était un homme différent. Je me suis toujours demandé qui il était, en fait ! Surtout pour se cacher à ce point, via, si besoin était, des intermédiaires ….
Spéciale dédicace à Cachou : https://www.lespricerie.fr/les-abominations-du-castor-2/
Ooh c’est un thriller ?
Ce Risson écrit remarquablement bien. Je ne vois pas comment on pourrait rivaliser sur ce coup-là.
« Rivaliser » ? Mais quel vilain mot !!!
Tu as raison ! Mais ce n’était qu’une expression. On n’est pas là pour rivaliser, hein.
https://www.youtube.com/watch?v=oXnVcaIj_2A
Un petit défi « écriture »… Je vais y réfléchir et je reviens d’ici quelques soirs. Il se trouve que je connais Marie-Jeanne. Ben oui !
Mais d’ores et déjà je peux dire que les 2 photos sont belles, toute en suggestion de la soirée passée.
« Comme dans la chanson, le soleil avait tapé depuis le matin. 22h 30 et il faisait encore 27°…
Canicule…
Je sentais la sueur couler sur mon épiderme… »
Petit Kado Cachou
Bonjour Gévé ! ?
Le « Kdo », c’est ton passage, Gévé !!! Merci ++++++
Hello Gévé ! 🙂
Faut dire que j’avais pas vu que c’était un jeu ! ?
Eh bé! Moi qui était venue prendre dix minutes de distraction entre une pile de paperasses à traiter et des bagages à terminer, suite à un petit coup de paresse, paf ! tu nous plantes là avec le stylo, ou le clavier, au choix, pour terminer l’histoire. C’est déloyal je trouve !
?
La terminer si tu veux … Mais plutôt en écrire une autre !
Ah ben oui, c’est déloyal, je confirme 😉
C’est diablement bien écrit. Plutôt que la terminer, je vais poster une histoire qui fait écho à celle-ci, et que je vais dédier au Risson, tiens.