TiVi

Il y a une vingtaine d’années notre téléviseur, un vieux modèle plus épais qu’un bibendum, avec ses six chaînes et son râteau tout là-haut, a arrêté de fonctionner. On l’a désossé en pensant – et en rigolant bêtement – que la carrosserie ferait une bien belle cabane à poules, quoique un peu exiguë, sinon un beau pondoir/couvoir avec un peu de paille au fond.

Puis nous en sommes restés là, même pas en manque, ni de notre coté, ni du coté de la volaille, et nous nous sommes totalement désintéressés les uns et les autres des affaires télévisuelles.

En cette fin d’hiver 2021, ni déconfite ni libérée, nous sommes partis dans les Hautes Pyrénées, en vacances dans un petit gîte, une ancienne grange rénovée, car même si nous y sommes désormais en permanence, les changements de lieu, de rythme, d’activité et de météo procurent un bien-être nouveau et dépaysant tels des congés payés autrefois longuement espérés et durement gagnés.

Question changement de lieu, on a donc laissé l’océan pour affronter la montagne ; question météo, perdants sur tous les fronts et plus nous descendions vers le sud montagnard et plus les nuages, le brouillard et la pluie nous souriaient ; question activités et rythme de vie, la randonnée avec force dénivelés a remplacé efficacement la simple balade à 15 m d’altitude uniformément, plus habituelle et monotone.

Randonnées donc, sous la pluie, dans le brouillard, sous le soleil parfois ; toujours dans le silence et la solitude… Génial ! Mais je ne vous raconte pas, ce serait hors sujet.

Immensément frustrés néanmoins, de ne pouvoir à notre retour, trempés de pluie ou de suées et fatigués, presque endoloris, se réconforter dans un bistrot, ou en sa terrasse pour capter les derniers et rares rayons de soleil, devant un breuvage revigorant, et paresser ainsi jusqu’au crépuscule, à regarder les gens, les paysages, les vautours planant encore dans nos têtes, se dire quelques mots, quelques impressions sur la journée déjà de l’ordre du souvenir. Inutile aussi de penser à un petit resto pour terminer la journée l’estomac en joie sans avoir à remuer des casseroles.

Bref, et couvre-feu oblige, nous étions « à la maison » dès 18 heures.

Là, après avoir lu à satiété, dîner de soupe et de fromages régionaux, vache, brebis, chèvre et en mélange, visionné les photos du jour, et effacé certaines pas belles, repris une petite tisane, parce que ce n’est plus le moment de l’apéro, on s’est dit qu’un peu d’exotisme ne nous ferait pas de mal, l’exotisme consistant en l’occurrence en un grand écran plat pour qui n’en avait pas habituellement et depuis longtemps.

Mais bon, voilà, ça commence mal ! Rien que trois télécommandes trônent sur la table, avec moult boutons chacune. Une seule est dotée d’une marque, la même que l’écran. Ouf ! Dans ce premier temps, nous savons donc ainsi où nous allons…

On/Off. Clic.

La lumière apparaît, uniforme et bleuâtre… Puis un unique mot finissant en « gem », à peine lu et oublié dans la foulée, et enfin un message clignotant « No signal detected » ! Heu ?

Malgré notre incompétence notoire dans ce domaine, nous comprenons aisément que rien n’est encore capté et qu’il faut se servir d’une seconde télécommande – la troisième se révélant être celle d’un lecteur de DVD – pour s’acheminer précisément vers le nirvana.

On/Off. Clic itou.

Bouh ! Rien de mieux, si ce n’est quelques petites lumières clignotant sur l’appareil appelé, nous le subodorons, décodeur.

Alors on pense appuyer sur les chiffres, imaginant à juste titre qu’il s’agit des différentes chaînes et que l’une d’elles se montrerait moins hostile. On essaie l’une et l’autre des deux télécommandes, sans succès, la lumière bleutée nous parvient toujours de l’au-delà, via le satellite sans doute.

On cherche donc LE bouton permettant de programmer « quelque chose », on se retrouve devant un choix d’actions, souvent des sigles de nous inconnus, parmi lesquelles on choisit, sûrement bien inspirés, la seule ayant un sens immédiat et concret intitulée « recherche des programmes ». On lance la chose, ça dure de longues minutes, le petit curseur de déroulement de l’action avance lentement, on jubile d’impatience et puis… rien encore. Argh ! Je commence à douter de mes capacités neuronales. Serions-nous déracinés à ce point  du monde technologique du XXI ème ? Oui, sûrement, nous n’en avons jamais été curieux, quitte à passer pour des vieux récalcitrants, et au jour le jour ces détails technologiques se sont estompés de nos têtes  ; allant à l’essentiel, il ne m’est jamais venu à l’idée d’apprendre à piloter un engin duquel je ne me sers pas.

Eh ben, et j’ai même pas honte de le dire, on n’a pas réussi et, la tête basse et la mort dans l’âme puisque nous étions par avance tous excités à l’idée de nous offrir un petit film avachis dans un canapé mou, j’ai appelé au secours la propriétaire qui habitait à côté du gîte. Elle s’écrit : « mais c’est bien simple, mais c’est pas compliqué ! » ; « faut appuyer sur ce sigle » , 5 ou 6 consonnes barbares, et en deux ou trois coups de doigts elle nous offre le paradis espéré.

Ça a eu le mérite de la faire bien rire, et sans doute, en silence elle s’est bien moqué de nous, précisant néanmoins pour nous rassurer que les locataires précédents avaient dû dérégler le machin, ouais ! Mais au moins nous avons pu nous couler dans le canapé pour notre soirée exotique et colorée.

Morale de l’histoire : aucune !

Car tout n’est pas forcément sujet à morale, et heureusement 🙂

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