J’Ă©tais venue seule Ă ce feu de la Saint Jean oĂč des amis m’attendaient, mais plus trĂšs sĂ»re du chemin Ă prendre pour retrouver le village; nous y Ă©tions allĂ©s en famille deux ans avant, mais je n’ai pas la mĂ©moire des chemins lorsque je ne tiens pas le volant. J’ai garĂ© la voiture Ă cet emplacement au pied d’une colline, puis j’ai grimpĂ© le sentier vers les voix joyeuses qu’on entendait assez prĂšs. La nuit Ă©tait presque tombĂ©e et aprĂšs la joie de se retrouver, nous avons encerclĂ© le feu qu’on venait d’allumer.
D’abord quelques flammĂšches et Ă©tincelles dans la nuit maintenant noire, puis des flammes de plus en plus puissantes et lumineuses sur l’obscuritĂ©, et les cris et les rires se taisaient devant la merveille renouvelĂ©e du feu, immense et souverain sur tous les esprits, toutes les mĂ©moires.
Les rires et jeux ont repris quand le feu a dĂ©cru assez pour que les plus hardis s’essaient Ă le franchir d’un bond, dans une pagaille bon enfant, puis on s’est assis autour des derniĂšres braises qui ont durĂ© longtemps, parlant Ă mi-voix, chantant Ă capella des chants Ă©tranges, regardant les Ă©toiles, pendant que les enfants s’amusaient Ă Ă©clairer de leurs torches les buissons environnants et Ă faire surgir des cercles verts de vĂ©gĂ©taux transfigurĂ©s, des entrelacs de branches.
EnroulĂ©e dans un grand chĂąle chaud, je me suis allongĂ©e, la tĂȘte posĂ©e sur mon coude, pour goĂ»ter ce moment hors du temps et regarder le ciel. Un halo autour de la lune, quelques Ă©toiles plus pĂąles, tout s’engourdissait.
Quand je me suis rĂ©veillĂ©e avec surprise, je frissonnais. Il faisait ce froid humide de l’aube qui vient juste de naĂźtre et tout Ă©tait baignĂ© de rosĂ©e. Plus aucune trace des autres. Le temps de m’en Ă©tonner et de me lever rapidement, deux femmes marchaient dans ma direction, l’une ĂągĂ©e et courbĂ©e sur un bĂąton, avec un mĂ©lange de fatigue et de vivacitĂ©, et dans un accoutrement d’un autre siĂšcle, longue jupe Ă©paisse et chĂąles croisĂ©s. La suivait de prĂšs une toute jeune fille, les cheveux sur les Ă©paules et sa mince silhouette enveloppĂ©e du mĂȘme vĂȘtement.
La vielle femme n’a pas dit un mot, non plus que la jeune, mais son regard impĂ©rieux m’a fait signe de les suivre, ce que j’ai fait sans rĂ©sister. Le jour montait doucement, le jour le plus long de l’annĂ©e. Une petite serpette s’est retrouvĂ©e entre mes mains et avant de rĂ©flĂ©chir, comme elles, je me suis penchĂ©e pour couper des plantes, des herbes, des tiges, je n’avais qu’Ă peine besoin de les regarder pour savoir s’il ne fallait prendre que les fleurs, les feuilles ou la totalitĂ© et ce qu’il fallait chercher.
Un bruit mat de galop sur un chemin Ă proximitĂ© nous a figĂ©es, immobiles et silencieuses, et la peur m’a tordu le ventre. Comme elles, je me suis glissĂ©e trĂšs vite et sans bruit derriĂšre une aubĂ©pine assez haute, sans oublier mon panier et ma serpette. Le bruit s’est Ă©loignĂ©, mais la peur avait Ă©tĂ© si intense que j’ai basculĂ© dans l’inconscience.
Je ne sais combien de temps aprĂšs, j’ai retrouvĂ© mes sens, seule Ă nouveau, j’ai cherchĂ© la place prĂšs du feu Ă©teint oĂč je m’Ă©tais Ă©veillĂ©e un temps plus tĂŽt, maudissant ce saisissant cauchemar dont le rĂ©alisme me faisait encore trembler. Avec stupeur, je n’ai pas reconnu l’emplacement du feu, mais un espace de prĂ©s et de buissons variĂ©s. Sous l’un de ces buissons Ă©pineux, j’ai ramassĂ© un petit bout de mĂ©tal trĂšs rouillĂ© dont la forme rongĂ©e Ă©voquait encore un morceau de lame de serpette.
La panique m’a saisie, je me suis retenue pour ne pas crier et j’ai tournĂ© ça et lĂ un moment avant de trouver un chemin qui descendait, j’ai couru et trĂšs vite j’Ă©tais sur l’espace rassurant prĂšs de la route goudronnĂ©e oĂč ma voiture m’attendait depuis mon arrivĂ©e la veille. J’ai bondi au volant, dĂ©marrĂ© Ă l’arrachĂ© et fui cet endroit pour toujours… Mes amis ne me reverront pas l’an prochain et jamais, certes, je ne raconterai cette histoire Ă personne.
Tes copains ont peut-ĂȘtre jetĂ© un peu d’herbe magique, genre beuh, sur les derniĂšres braises…
Je n’y avais pas pensĂ© ! Va savoir… đ
Sans le savoir tu Ă©tais sur le chemin de « SLEEPY HOLLOW, LE CAVALIER SANS TĂTE » !
Je n’avais pas pensĂ© Ă celui-lĂ ! Qui sait ? đ
Alors quoi, finalement, c’est un rĂȘve ou une bascule dans l’espace-temps ?
C’est le mystĂšre qui fait tout l’intĂ©rĂȘt de l’histoire Yves ! Il y a un gros indice quand mĂȘme… et Ă chacun de dĂ©cider.
Tiens, je ne l’avais pas vu sur le wizzz ce texte lĂ …
Envoûtant et laissant un petit goût de magie et de mystÚre, ce voyage !
C’Ă©tait le but Steph ! Merci pour tes passages, biz… đ
Belle histoire et beau texte, on y entre comme dans un monde magique. J’ai cru reconnaĂźtre un texte du Wizzz ! Je me trompe ?
Non, tu ne te trompes pas… đ, c’Ă©tait la bonne date pour le re publier…
Joli moment d’une belle intensitĂ© d’Ă©criture!
Merci đ
Jâai toujours su que tu pratiquais la magie « Blanche » ;0))
đ
Comme quoi, faut jamais dire jamais :-)…
Il se passe tellement de choses ce soir de la saint Jean, qu’on ne saura jamais si ce que tu racontes est un rĂȘve ou une rĂ©alitĂ©.
J’aurais aimĂ© la vivre, cette rencontre…
J’aime cette pĂ©riode du solstice, la Saint Jean d’Ă©tĂ©. On est un peu en suspens entre deux pĂ©riodes, hors du temps, tout semble possible.
Promis, Claude, on ne le rĂ©pĂštera pas, et ça restera entre nous …
C’est tellement bien Ă©crit que je n’arrive pas Ă savoir si tout cela est rĂ©alitĂ©, ou pure fiction ! En tous cas, j’ai Ă©tĂ© moi aussi ensorcelĂ©e par cette rencontre, Ă©tonnĂ©e de savoir si bien choisir les plantes, et de ne plus avoir de questions Ă me poser : ce n’Ă©tait pas le moment ; c’Ă©tait juste le moment d’y croire !!
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