Alors, bande de malotrus, sachez qu’au départ je suis d’ici, moi, de cette campagne verdoyante, pleine de rivières, de bosquets, bref, de charmes… Et, à la fin de ma vie, j’y suis revenu parce que je l’aime et que je voulais l’honorer.
J’ai été partout, vous savez ! (ah ben non, c’est vrai, vous ne savez pas…)
Au début, j’étais peintre.
Non, pas « Peintre ». J’étais « peintre »… peintre en bâtiment !! Beau métier, hein ?
ART, ARTISAN, c’est un peu la même fibre, non ?
J’ai commencé par avoir un magasin à Laval, avec mon père, et puis je suis monté à Paris, en tant qu’ouvrier peintre-décorateur. J’avais 17 ans ! J’étais avide de tout ! Je me suis mis à fréquenter des académies libres, les Beaux-Arts et l’Ecole des Arts Appliqués pour étudier le dessin, la peinture.
Après il a bien fallu que je fasse mon service militaire… Les 2 ans passés à Chartres m’ont donné le temps d’apprendre en cours du soir la trigonométrie, la géométrie descriptive et la géométrie dans l’espace.
A 23 ans, je suis enfin rentré à Laval, et j’ai entamé une formation de charpentier de plusieurs années.
A 28 ans, je créais ma propre entreprise : ça a bien marché … alors j’ai commencé à voyager, à découvrir l’art et l’architecture ailleurs : pays d’Europe, l’Afrique du nord et même New-York.
En 1945, je ne vous l’apprends pas, même si par ailleurs vous ne semblez pas savoir grand-chose, c’est la guerre. C’est l’horreur, la guerre, c’est à gerber. Enfin bon, ça, vous devez vous en rendre compte. Alors moi, d’un coup, j’ai décidé de me lancer dans une vie artistique sans concession : en 47, j’ai créé à Paris un atelier de céramique et de peinture et j’ai fréquenté Prévert, Breton, Cocteau, Giacometti, Dubuffet…
Et 3 ans plus tard, je suis reparti. Pour le Brésil, cette fois, et j’ai travaillé d’abord pour Matarazzo Sobrhino (directeur du musée des Beaux-Arts de Sao Paulo et riche industriel) comme peintre, sculpteur et céramiste. En 1951, expo à la première biennale de Sao Paulo : premier prix de sculpture !!!
Après, j’ai été me frotter aux populations de l’Amérique du Sud : Argentine, Uruguay, Paraguay et Chili jusqu’à la Terre de Feu. Au contact des Amérindiens, j’ai appris à me libérer complètement des dogmes académiques et à élargir mon registre de formes et de couleurs. C’est à ce moment que j’ai commencé à devenir mondialement célèbre. Ouais, enfin… sauf pour vous, apparemment…
Bref, je suis revenu en France en 1955, pour peindre, peindre, peindre… Des toiles, cette fois-ci ! A Vence, près de Laval… En 61, j’ai même décroché le prix de la critique à Paris.
Et c’est en 62, qu’avec Lise, ma troisième épouse, Lise … mon cher « Liseron », que j’ai acheté cette maison dans ce petit coin perdu.
Je l’ai appelée « la Frénouse »…
« On n’atteint jamais le paradis, à moins qu’on ne le crée. Pour les uns, ce sera de fabriquer ses propres meubles, pour d’autres de s’associer à la mise au point d’une turbine nucléaire. Moi, j’ai choisi de construire La Frénouse. Je ne prétends pas que mes statues soient supérieures à celles de Rodin ou plus modernes que les mobiles de Calder. Dans ma chambre obscure, avec ma truelle et mon compas, je montre seulement où se cache la vie. »
Tâchez de faire connaître mon œuvre !
Il paraît que j’avais mauvais caractère… Mais j’avais tant de choses à exprimer, vous comprenez ?
C’est que je suis resté un ouvrier, moi : quelle fierté !
Je suis resté un ARTisan…
Maintenant que vous en savez un peu plus, entrez, visitez, regardez, touchez, questionnez-vous, de cette part de moi il vous restera toujours quelque chose, un peu de moi en vous, un peu de vous en moi !
Éléments biographiques tirés de Wikipédia et du site du Musée de Robert Tatin
Auteur de la présentation : Cachou
Impressions Robert Tatin
J’ai l’impression que ce type, dont on vient de me résumer la biographie dans un court documentaire a tellement maîtrisé sa technique qu’il en est arrivé à recréer de l’art primitif.
Non, ce n’est pas tout à fait ça : j’ai l’impression qu’il a tellement voulu mélanger des techniques qu’il a tenté de fonder un art nouveau, qui se présente à mes yeux sous une forme primitive.
Je peux même aller plus loin : j’ai l’impression qu’il ne s’est pas satisfait de mélanger seulement des techniques, il a en plus incorporé de la symbolique dans ses œuvres. En fait, c’est lui qui va plus loin.
Et en retrouvant ses touches symboliques dans nombre de ses œuvres, les sculptures notamment, j’ai une impression de discours symbolique.
Si je maîtrisais bien le vocabulaire symbolique de Robert Tatin, je pourrais écouter ce qu’il dit d’André Breton ou du Verbe-Être rien qu’en regardant ces géants, ces espèces de totems.
Cette allée des Géants a sûrement, à mon avis, une valeur pédagogique : « attention ! me dit-il, tu entres dans mon domaine ; en voici le code si tu veux essayer de comprendre ». En effet, merci, ça aide un peu. Pas longtemps. Jusqu’à ce que je décide de ne plus essayer de comprendre.
Dans le musée autour de la mare, j’ai eu l’impression d’être dans une forêt vierge, pleine de bruits inquiétants et de formes menaçantes pour l’étranger, possédant une harmonie sauvage.
En sortant de là, j’avais une impression de bric et de broc. Face à quelque chose de tellement volubile, foisonnant de signes, j’étais à la fois amusé, éreinté et saturé. J’en ai pris plein les yeux, plein la tête, plein l’esprit.
Mais tout ceci n’est qu’une impression. Ce ne sont que des impressions. Que les miennes.
Que me reste-t-il au juste, qu’est-ce qui s’est imprimé en moi ? Le sentiment d’être proche de lui dans une quête de reconnaissance, dans une recherche d’expression, un besoin d’amour ?
Mmh…, je projette là.
Auteur des « impressions » : Sage 747
Photos de l’article : Cachou, Marie-Cécile et Sage 747
Je me refais une visite dans ce lieu étrange, en essayant de m’imaginer à côté de ce saisissant plan d’eau, ou dans l’allée des géants, vers la maison.
On attend une suite en août avec quelques peintures…
Ça va venir 🙂
🙂
Le travail de Robert Tatin, c’est un art qui m’attire non pour sa beauté plastique, mais pour son fourmillement et sa densité. Moi qui sais dessiner, mais qui suis totalement incapable de sculpter, je suis fasciné par cette passion de l’artiste pour la profusion du détail gravé.
Bravo Sage et Cachou pour la présentation originale.
Ça donne envie d’aller visiter. Et là, il ne pourra pas dire que je serais venue par hasard.
Merci à Cachou et Sage pour la présentation et les impressions. Je ne connaissais que par des articles sur des revues d’art. Je ne sais pas si j’aime ou pas. C’est un monde, assez saisissant, impressionnant, complexe et un peu oppressant, et très riche. On sent des influences variées dues à ses voyages, les artistes qu’il a fréquentés ( Dubuffet etc…) Art brut, et tout un univers. Il faut une forte personnalité pour mener à bien un tel projet.
En tous cas ça me donne envie de visiter, parce que c’est difficile de se faire une idée précise sans le voir et y être immergé.
Je regrette néanmoins l’absence totale ici de ses peintures…
Faudra-t-il faire un « bis aoûtien » pour ce grandiose invité ?
En fait, les photos étant interdites dans l’espace expo de peintures du musée, il faut déduire que leur représentation ne doit pas être diffusée. D’où l’absence (très regrettable pour nos lecteurs, je l’admets) des surprenantes toiles. Et l’administration du musée n’ayant donné aucune espèce de caution/validation/aval à notre projet, L’Espricerie se contente de montrer la partie visible de l’iceberg Robert Tatin.
Un « bis aoûtien » serait bienvenu…
Je crois me souvenir que les photos étaient interdites dans la maison de R.Tatin seulement, mais pas là où nous avons pu circuler sans guide dans les espaces photos… A vérifier !
Ah oui, moi j’aimerais beaucoup des peintures aussi, dans la mesure où c’est possible.
Je reviens commenter plus tard.
Choc culturel… Le jour où nous avons visité ce lieu était humide, très humide… pourtant j’avais l’impression d’être hors du temps, dans un autre Monde …
beau témoignage !
Je n’aime pas tout, mais il y a quelque chose de prégnant, d’incroyable, et la maison, comme elle est belle aussi. Merci pour ce voyage, l’espricerie. j’ai apprécié de me bouger avec l’artiste.
Comme JMCJ, je connaissais ce lieu étrange et fantastique pas très éloigné de l’Anjou. Cet artiste atypique gagne à être connu. Merci de m’avoir replongée dans son univers !
Toute une vie résumée sur cette page… Et quelle vie !
Trépidante, étrange, saturée, originale, sensuelle, etc… Comme a pu l’être cette immersion dans ce lieu.
J’y retournerai, c’est sûr !
Oh ?
La foisonnance du temple d’Angkor et la folie du palais idéal du facteur cheval ont fusionné avec de l’art primitif en revenant d’un séjour aux îles de Pâques !
Folle cette visite, et diablement impressionnant tout cet univers, qu’un seul homme a su installer au cœur de la Mayenne.
Ben, il a la Mayenne haute ; en idées et en savoir faire !!
Pour l’avoir « visité » plusieurs fois je vous encourage à y aller 🙂 C’est féérique,grandiose et hors du temps. Merci d’avoir mis Monsieur Robert Tatin en Artiste du mois…
Et merci à Cachou par sa compilation, d’avoir redonné vie à cet étrange artiste.
Il y a des choses qui me touchent, d’autres moins… L’ensemble me projette dans un univers où j’aime bien me balader…
Bien sûr, on pourrait décrypter ce langage symbolique… Peut-être même pourrais-je m’engager sur ce chemin… Mais à quoi bon ! Il me suffit de laisser mon inconscient capter ce qu’il veut ou ce qu’il peut… et je verrai bien s’il trouve bon de m’insuffler quelque chose de cette captation…
Peut-être préciser que les mots bleus sont ceux d’un Sage ! …
Je reviendrai (peut-être) poser les miens sur cette foisonnance, sur cette découverte incroyable nichée au cœur d’un village perdu.
A voir, cette vidéo et les 2 suivantes (où on revoit « Bruno », rencontré sur place) :
https://www.youtube.com/watch?time_continue=5&v=gr77X1jBldo