par Castor

L’interview

C’est une trèèès ancienne tradition, dans L’Espricerie : présenter l’invité du mois par une interview, généralement du vivant de la personne. Avec l’écrivaine Gudule, qui n’a que faire des traditions, nous allons découvrir son entrevue après sa… j’allais dire disparition, mais elle n’a pas vraiment disparu, elle est toujours là, avec ses 300 ouvrages, son merveilleux sourire, sa gouaille, sa simplicité et sa gentillesse. Pour preuve, voici un premier lien, une vidéo des éditions Bragelonne dans laquelle elle présente son nouveau livre (nous sommes ici en 2009), « Les filles mortes se ramassent au scalpel ».

Les « Solitudes »

Anne Bocquillon Liger-Belair, alias Gudule naquit en… bon, non hein, je ne vais pas vous faire le coup de la biographie et de la bibliographie sur cette malheureuse page. Il faudrait en fait plusieurs volumes pour détailler son œuvre à travers la littérature, la bande dessinée, la bande à Gotlib… Dessinatrice, conceptrice d’étalage, journaliste, animatrice de radio, actrice, Gudule a tout fait, ou presque. Rendez-vous plutôt sur Wikipédia, ou bien visitez le superbe site du libraire Jean-Marie David consacré à notre amie. Mais avant, allons rigoler avec un de ses « Grands moments de solitude », illustrés dans le recueil éponyme par son beau-frère Édika. A partir de décembre 2011, Gudule va écrire et poster au jour le jour des centaines d’anecdotes cocasses, des moments de honte intégrale que sa longue expérience de gaffeuse lui remet en mémoire depuis sa petite enfance. Plus de 400 bourdes, boulettes et conneries diverses déclinées en deux volumes, dont l’un est encore à paraître chez l’éditeur Rivière Blanche. Bon, revenons à notre histoire :

A 17 ans, Anne (Nanette pour les intimes) tombe amoureuse d’un quinquagénaire, un relieur plus ou moins artiste, en réalité un homme assez retors qui profite de la grande candeur et des élans romantiques de la petite belette. Enceinte, elle l’emmène chez ses parents pour une demande en mariage. Le « fiancé », peu motivé, provoque une dispute, et repart furieux.

Grands moments de solitude tome 2 :

« La demande en mariage (suite)

Mais l’histoire ne s’arrêta pas là, c’eût été trop simple. Aux yeux de son héros, il lui manquait une « chute » à la hauteur du préjudice subi. Si bien que vers minuit…
A force de pleurer, je m’étais endormie, quand une voix de stentor m’éveilla en sursaut :
— Ils vont le regretter, ces salopards ! éructait Louis en tournant dans la chambre comme un lion en cage. Jusqu’à la fin de leurs jours, ils auront ma mort sur la conscience !
Encore tout engourdie de sommeil, je bredouillai :
— Qu… que vas-tu faire ?
— Leur mettre le nez dans leur caca une bonne fois pour toutes.
Ni une ni deux, il se rua vers la pharmacie et en extirpa une bouteille dont il s’envoya une grosse lampée avant de préciser :
— C’est un poison violent qui vous emporte en moins de deux. Mon agonie ne sera pas longue, rassure-toi. Mais dis bien à ton père que c’est lui le responsable, et que je l’ai maudit en expirant.
Horrifiée, je sautai du lit pour lui arracher la bouteille, puis j’appelai les pompiers.
— Allo ! Venez vite, mon ami vient de se suicider.
— De quelle manière ?
— Avec du poison.
— Quoi, comme poison ?
Je regardai l’étiquette.
— Euh… de l’huile de ricin.
Quand je raccrochai (sous les invectives de la standardiste qui croyait à une mauvaise blague), Louis était aux toilettes. Il y passa la nuit et une bonne partie du lendemain. J’en profitai pour l’abreuver de reproches sans risquer de prendre une baffe.
Comme quoi, les laxatifs, des fois, c’est bien utile. »

(Dessin d’Édika)

Le bel été

Le 2 janvier 2013, Sylvain, le complice de Radio libertaire, et compagnon de Gudule depuis 28 ans, décède. En plein marasme au cours de cet hiver interminable, notre héroïne s’investit à fond dans l’écriture quotidienne de ses grands moments de solitude, ce qui lui permet de surnager. Son copain le Castor passe la voir quelques jours pour tenter de la réconforter comme il peut, et repart. Mais fin mai, elle l’invite à la rejoindre aux Imaginales d’Epinal, le grand festival de littérature de l’imaginaire où elle dédicace, et là, ils tombent dans les bras l’un de l’autre : l’amour a fait son apparition. En même temps, très exactement, que la sale maladie. Une tumeur cérébrale est diagnostiquée, Gudule se fait opérer et écrit son dernier livre relatant ces événements, Le bel été, « une ode à la vie, à l’amour, et, n’en déplaise aux esprits chagrins, un véritable chant de reconnaissance ». Elle tient à le publier hors des circuits éditoriaux, afin de proposer un prix modeste, et de choisir elle-même l’illustration qui le représentera.

Pour ceux que ça intéresse, on peut trouver ce petit livre ICI.

« Le bel été », le pastel du Castor.

Mélaka

MÉLAnie KArali, la fille de Gudule et de Paul Carali, est une merveilleuse dessinatrice, et une des toutes premières blogueuses de bande dessinée en France. On lui doit notamment « l’ange ordinaire », avec au scénario son frère Olivier Ka —écrivain et homme de spectacle—, et le très étrange et très beau « dans ma tête ». Pendant deux ans, elle animera avec ses complices Cha et Laurel le « 33 rue Carambole » dans le journal de Spirou. Après la mort de sa mère en mai 2015, Mélaka s’attelle au projet qui va lui permettre de canaliser sa peine : un roman graphique de 260 pages intercalant des « grands moments de solitude » soigneusement choisis, avec sa vision personnelle du « bel été ». Pour avoir suivi les étapes de la réalisation, je peux affirmer que ce truc est carrément grandiose. Cet ouvrage s’appelle « Sous les bouclettes », et il sortira au printemps chez l’éditeur Delcourt. En avant-première, la couv qui l’ornera :

Epilogue

Voilààà ! Je vous ai assez bassinés avec les aventures de ma princesse ! Rangez vos cahiers, et sortez en ordre. Vous me ferez un résumé dans les commentaires, et je suis au regret de vous rappeler que la note comptera dans votre moyenne.

 

Annexe : liens et photos

Voici un petit diaporama sous forme de vidéo bricolé par le Castor peu après la disparition de sa chérie…

LE BLOG, C’EST ICI !

PETIT BONUS : « LES IMAGINALES 2010 »

Gudule dans « les deux orphelines vampires » de Jean Rollin

Mélaka dans « les deux orphelines vampires » (à gauche dans l’extrait)


Pour la sortie de son livre « l’envers du décor » en 1996, Gudule dédicace avec l’Abbé Pierre.

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« Castor et Gudule », les poupées vaudouces de Mêo.

La bise,

Castor tillon

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