Pour accéder à la 1ère partie de la nouvelle et de l’interview, cliquer sur ce lien :
Elisa Tixen, publication de juillet 2019

LES TROIS POUPÉES

la suite de la nouvelle ….

Toutes les semaines, les trois poupées changeaient de maison et de maman.

Jusqu’au jour où la première a disparu. La blonde aux grands yeux. Le village l’a longtemps cherchée. Pendant des heures, des semaines… Les gendarmes, les chiens, les hommes ont sillonné bois et chemins. Dans les maisons, les femmes veillaient sur leurs petits, retenant leur souffle, masquant leur soulagement d’avoir été épargnées.

On l’a retrouvée complètement désarticulée dans le bas d’une coulée, nue, le ventre souillée de terre molle et grasse.

À partir de cet instant, la blonde n’a plus parlé et la rousse a gardé son rire fermé. On ne voyait plus que leur ombre. Accrochées l’une à l’autre, elles disparaissaient de longues heures aussitôt qu’elles le pouvaient. On les a laissé faire, on se disait qu’elles avaient besoin d’être ensemble, pour se consoler.

Un soir, la rousse est revenue, seule, les collants déchirés, le visage couvert de boue. Muette, incapable de parler. On n’a pas eu besoin de chercher longtemps cette fois. On a très vite retrouvé l’autre fillette, près de la voie ferrée. Aussi nue que la première, le ventre en travers des rails.

La peur a envahi le village, les vieilles ne cessaient de chuchoter, les vieux se taisaient en levant leur verre. À l’enterrement, il y avait plus de sourcils froncés que de larmes.

Les parents de la rousse ont fait leurs paquets pendant la mise en terre, sans avertir personne. On ne les a plus jamais revus.

Il secoue la tête et ses souvenirs, croyant à peine à ce qu’il a sous les yeux. Ici, sur les buttes Chaumont, à plus de six cents kilomètres de leur village… Voilà qu’il tombe sur ces trois poupées dans leur vieux panier. Il détache son regard du trio et lève les yeux. Une jolie femme approchant la quarantaine, toute menue avec la peau claire parsemée de taches de rousseur se mord les lèvres.

— Oui, je… j’ai passé l’âge de m’y accrocher. Il est temps que je tourne la page, non ?

Sa voix est douce et hésitante mais elle sourit. D’un sourire qui ne demande qu’à exploser en rire, à diffuser autour d’elle une joie sans filtre.

Il a retrouvé la troisième poupée.

Ici, à Paris, ville géante où fourmillent plus de deux millions d’habitants intramuros et presque dix millions si on compte les banlieues… Combien y avait-il de probabilités que leurs chemins se croisent à nouveau ?

Il n’est pas allé au boulot ce matin-là.

Il est resté là, dans l’ombre d’un immeuble, et il a attendu.

Comment vous est venu l’idée de cette nouvelle, Elisa ?

J’ai écrit cette nouvelle à partir d’une photo, dans un atelier d’écriture sur le polar. La consigne était de tuer et c’était parfait car c’était ce que j’étais venue chercher.
Tuer est la transgression la plus puissante pour un être humain et j’avais un mal fou à franchir mes barrières morales. D’ailleurs, je n’y arrive pas vraiment dans ce texte, puisque j’ai préféré décrire les cadavres plutôt que d’écrire le passage à l’acte.

 

Quelque chose me dit que vous avez un nouveau projet. Pour le coup, ça va être une tuerie, je le sens ! …

Ouiiiii, je suis en train d’écrire un thriller où les morts côtoient les vivants. Vous voyez pourquoi il fallait absolument que j’apprenne à tuer ? C’est chose faite.
Entre les lignes bien sûr !

 

Sans parler de votre cahier d’écritures de vacances (rien que le titre, moi, ça me donne envie !!).
C’était comment, dans votre enfance, les devoirs de vacances ?

« Tongs & Stylos », c’est plus qu’une récréation. Je voulais offrir aux personnes un atelier d’écriture ludique à emporter en vacances.

Dans mon métier, je suis souvent amenée à accompagner le changement et à concevoir des outils pédagogiques pour faciliter les apprentissages nouveaux. C’est tellement moins intimidant quand on passe par des méthodes qui ne se prennent pas au sérieux, comme le jeu par exemple. J’ai pu le vérifier aussi bien avec des cadres dirigeants qu’avec des personnes en difficulté avec l’écrit.

Ce qui m’amène à l’illettrisme, c’est une cause qui me tient vraiment à cœur. Je me souviens très bien de ce premier livre que l’on m’a offert, j’ai eu l’impression de recevoir les clés du monde…

Je n’ai malheureusement plus le temps d’animer des ateliers car je suis trop souvent en déplacement alors j’ai décidé de créer un jeu qui aide à apprendre à raconter et qui pourra être décliné dans les ateliers de lutte contre l’illettrisme. Je n’en dis pas plus pour l’instant mais rendez-vous en 2021…

Euh… Je n’ai pas répondu à la question sur les cahiers de vacances, n’est-ce pas ?… !!!

Photo Elisa Tixen

Ce n’est pas grave, on s’en parlera (ou pas …) ! Parce que Elisa et moi, on a rendez-vous pour un petit verre devant le spectacle de l’Océan.
Pleurez pas, vous autres, on vous enverra des photos … !!

Merci beaucoup Marie, et au plaisir de se retrouver autour de ce petit verre qui selon Victor Hugo « a les mêmes passions que l’océan ».

Pour retrouver les publications d’Elisa et les liens pour les acquérir : https://elisatixen.wordpress.com/mes-livres/

Mais je suis sûre qu’on peut aussi les commander chez son libraire préféré, n’est ce pas, Elisa ?
Oui !! surtout commandez dès que possible auprès des libraires qui accueillent les livres et les auteurs en dédicace et nous donnent le plaisir de vous rencontrer.

 

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