« Oum’ el Kouarith », « Mère des Calamités », c’est ainsi qu’on la nommait. Elle vivait seule hors de la ville à l’écart de toute habitation, dans une cabane de branchages, parmi les marais qui bordent le Tigre.
Elle se nourrissait de racines sauvages et de poissons qu’elle piégeait dans des nasses d’osier tressées de ses mains.
Elle se rendait parfois au Souk, chargée de fagots de bois sec ou de quelques poissons séchés et faisait du troc afin de subvenir à ses maigres besoins. Elle vivait chichement.
Les enfants la poursuivaient de leurs quolibets et lui jetaient des pierres, mais les bons croyants évitaient son commerce. Elle n’aimait pas les humains et les humains la craignaient.
On disait en effet qu’elle fréquentait les ‘Efrites et les Djnouns qui hantaient nombreux les berges marécageuses du Grand Fleuve. Qui sait même si elle ne conversait pas avec Shaïtan lui-même !
Quand soudain sans raison les esprits mauvais s’emparaient de son âme, elle gesticulait, parcourait la place en tous sens, bousculait tout et tous sur son passage. Le regard enflammé et hagard, elle poussait des hurlements et prononçait des paroles insensées dans des langues inconnues. Elle était prise de transes et à sa vue, tous étaient terrifiés car elle avait le pouvoir de jeter des sorts.
Ce jour-là, est-ce pour cette raison, excitée par les exclamations et cris de joie des spectateurs qui se réjouissaient de la belle victoire d’El Zeimer, le Mal la saisit
… et, telle l’épervier qui de son regard aigu a repéré sa proie, elle fondit sur le Marin.
Tous alors, pris d’effroi, s’écartèrent vivement tandis qu’El Zeimer n’eut que le temps d’esquisser un mouvement de recul.
D’un geste brutal en effet elle se saisit de son poignet le forçant à ouvrir et lui présenter la paume de sa main. Car elle avait le don de lire et d’interpréter les lignes de la main.
Alors, parlant, elle parla et dit :
« °Ajeb ! °Ajeb ! Etonnant ! Tu vivras très vieux et mèneras une vie à nulle autre pareille. Tu traverseras les mers et les océans, tu rencontreras des peuples lointains aux mœurs grotesques et aux langages inconnus.
Tu affronteras mille tourments et dangers au péril de ta vie. Mais tu reviendras avec ton navire chargé de denrées rares et de mille trésors…
Et cependant …
A ces mots, El Zeimer resta sans voix, comme frappé de stupeur.
Et « Mère des Calamités » disparut.
Parmi les témoins pétrifiés de cette scène, Le Chaouch se ressaisit le premier et comme c’était un homme de bien, il dit à El Bazar : « Aide moi, ta boutique n’est pas loin, nous l’étendrons sur un grabat, tu lui prépareras un thé à la menthe et aux herbes aromatiques. Je le lui ferai boire brulant afin qu’il recouvre ses esprits.
El Bazar se réjouit alors car, ayant recouvré sans peine son esprit de calcul, il mesurait déjà par la pensée tout le profit qu’ il saurait tirer du malheureux en retour des soins qu’il allait lui prodiguer…
Mais, à ce moment de sa narration, Sheer ‘Azza vit apparaître le matin, et discrète elle cessa de parler. D’ailleurs Barb’Azur ronflait et c’était toujours ça de gagné car la petite, si elle voulait un jour revoir son père, avait bien besoin de la journée pour trouver une suite à cette histoire.
Fin de la première nuit
J’ai découvert toute cette Première nuit en une fois, et avec son cheminement créatif. Quelles mises en scène et en ambiance, Mr Mékilef(antastique) !
Je suis carrément passé à côté ! Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce trépidant chapitre. Je rajouterais juste une couche sur la superbe ambiance du premier dessin. Y a qu’à regarder et on est tout de suite dans le sujet. A propos de la lune, par ici, elle est plutôt d’un blanc éclatant. C’est vrai que c’est le soleil de la nuit.
Surprise de découvrir cette nouvelle forme de narration, moins BD.
Surpris d’apprendre que la Mer des Calamités c’était pas un cratère de la Lune, on me dit rien à moi…
Content de pas croiser la mégère au coin du marché, pas du tout envie de connaître ses 4 vérités !
Quand je profite de ton graphisme je suis toujours baba de savoir comment tu traces tes dessins. Tes destins, évite que la mère machin te tire les lignes de la souris !
Patrice
Pauvre El Zeimer ! Doit-il se réjouir ou s’effrayer de cette étrange prédiction ?
Bravo pour cette fin de première nuit, il y a un gros travail !
Impressionnante cette « mère des calamités », il faut mieux éviter de la rencontrer .
On se fit beaucoup d’idées sur elle mais en réalité, elle vit sa vie dans son coin et c’est tout
….
Est-ce un djinn qui là-haut siffle d’une voix grêle,
Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?
Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ?
Ni le noir cormoran, sur la vague bercé,
Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé
Du lourd vaisseau, rampant sur l’onde avec des rames.
Ce sont des sacs pesants, d’où partent des sanglots.
On verrait, en sondant la mer qui les promène,
Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine…
La lune était sereine et jouait sur les flots.
Clair de lune (les Orientales)- V. Hugo
Très beau texte ! Mais je sais que j’ai à faire à une connaisseuse !
Je regrette un peu le cercle un peu trop net de la lune sur le premier dessin. Il m’empêche de profiter pleinement de cette ambiance nocturne magnifique, où les reliefs et les couleurs s’estompent et s’entremêlent. Mais sinon, j’adore ce premier dessin, mais aussi le 2ème, le 3ème, le … Enfin, bref, tu as compris le principe !!
Et j’adore aussi les expressions diverses, du mouton à la poule en passant par le chameau (ou le dromadaire ?), des protagonistes et des spectateurs : chaque détail est un délice.
Mère Calamité a toute ma sympathique, laissons-la donc retourner, tranquille, dans sa ZAD !!
Bien d’accord sur le cercle lunaire. Je l’ai remarqué après-coup. Il est encore temps de m’en débarrasser mais ça sera un peu difficile parcequ’il est sur une zone de dégradés. Pour la poule, le mouton et de dromadaire (UNE bosse), j’aime bien que les animaux participent, ils ne font pas partie du décor !
Et pour Calamity Jane, son point faible c’est qu’elle ne peut pas s’empêcher de dire aux gens leurs 4 vérités, et les gens, tu vois, ils aiment pas !
Et voilà, c’est corrigé
Ben si, tu vois, on peut dire aux gens parfois… Enfin pas à tous, c’est vrai.
Et elle est très belle cette nouvelle lune 😉
Ah oui, cette nouvelle lune est bien mieux, l’ambiance un peu brumeuse se prête davantage à cette dame.
Waouh ! Oui, comme Sergent et Hugues je dis que ton premier dessin est magnifique, et le second aussi : la Nature va bien à ton art (et cela ne veut pas dire que les autres dessins sont moches, hein, pas du tout !).
Et puis j’aime ce nouveau personnage hors du commun, qui vit au jour le jour hors la consommation(comme ce profiteur El Bazar), certes un peu sorcière mais je n’ai pas (encore) l’impression que c’est une méchante sorcière.
Quel virage donc va prendre ton conte Mékilef ? Impatiente de le savoir.
On dit tellement de choses sur les gens qui ne veulent pas vivre comme les autres ! Au moyen-âge on les brulait, et il n’y a pas si longtemps encore, on les enfermait chez les fous!
« Non, les braves gens n’aiment pas que, l’on suive une autre route qu’eux… »
Ouiiii ! Magnifique première image.
Quel caractère elle a cette sorcière jeteuse de sortilège et liseuse d’avenir. Pôvre marin qui en perd la raison.
La poule myope qui confond vermiceau et pièce d’échec m’a bien fait sourire. Echec et pattes
Cette poule, je peux te l’assurer, est in-gé-rable !
Hé hé, je crois être le premier à commenter!!!!
Bon, c’est superbe comme toujours et nous sommes éblouis par le premier dessin avec la lune et l’étang.C’est vraiment d’une grande beauté.
Un petit avertissement: attention, il y a une poule qui est en train de bouffer une pièce de l’échiquier.
Amitiés
Hugues & Claudine
Merci Hugues. Mais vraiment, crois moi, cette poule, j’évite de lui faire la moindre remarque, Tu vois bien ce que je risque avec sa maitresse !