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La souris grise à moustaches noires, preste, disparut dans le premier trou venu, sans demander son reste. Le petit ours en peluche couleur de pain d’épices, affolé crut qu’on venait pour le jeter au feu… Alors, il se hâta vers un rayon de Lune qui tombait d’un soupirail, l’escalada, et culbuta dehors, sur le trottoir.

Un moment étourdi par sa chute, il explora les alentours, tournant la tête en tous sens et le monde lui apparut bien trop grand pour son oeil. Il ne savait pas où aller. Il se mit donc à clopiner au long des rues en rasant les murs pour ne pas se faire remarquer. Il s’arrêtait de temps à autres, pour reprendre souffle et reposer ses jambes qui le tiraillaient. La grandeur des maisons l’impressionnait et les arbres immenses l’effrayaient un peu avec leurs longs bras griffus. À chaque pause, regardant le ciel gonflé de nuages, il lui semblait que les hautes bâtisses qui bordaient les rues allaient tomber sur sa tête.

Malgré son inquiétude, rien au monde n’aurait pu le faire revenir sur ses pas.

À bout de forces, grelottant, le petit ours en peluche couleur de pain d’épices décida de se blottir dans l’encoignure d’une porte cochère. Et, bien vite, écrasé qu’il était de peur et de fatigue, il sombra à nouveau dans le sommeil, un profond sommeil, sans rêve cette fois.

Tandis qu’il dormait, vint à passer un vieux monsieur avec un drôle de chapeau jaune, un manteau tout rapiécé et une longue barbe… L’homme vit l’ours (qui n’avait pas vu l’homme puisqu’il dormait…),  l’attrapa doucement dans sa grande main et le glissa au fond d’un sac qui ressemblait à ceux dans lesquels on met les pommes de terre…

Vous imaginez la surprise du petit ours en peluche couleur de pain d’épices quand au matin, après avoir frotté son oeil avec son bras, il se réveilla, assis au milieu d’une foule d’étranges objets, guère plus beaux que lui, mais qui, pourtant allaient bientôt faire l’admiration des badauds.

Le vieux monsieur, avec un drôle de chapeau jaune, un manteau tout rapiécé et une longue barbe, était là tout fier, au milieu de son petit monde, époussetant, brossant, astiquant, caressant tour à tour chacune ses trouvailles, objets de son amour.  Le petit ours en peluche couleur de pain d’épices comprit bien vite que le vieux monsieur, avec un drôle de chapeau jaune, un manteau tout rapiécé et une longue barbe, l’avait recueilli et, pour le remercier, lorsque le vieux monsieur s’accroupit devant lui pour lui ôter une petite poussière qui s’était coincée au bord de son oeil, il lui adressa un sourire que nul autre que le vieux monsieur n’aurait pu voir.

Le petit ours en peluche couleur de pain d’épices avait oublié toute peur à présent. Les jours et les nuits se succédaient, il se sentait bien, chez lui. Tant de gens admiratifs se bousculaient chaque jour devant l’étal du vieil homme qu’il en était impressionné et fier.

Chaque fois que le vieux monsieur, avec un drôle de chapeau jaune, un manteau tout rapiécé et une longue barbe, devait se séparer d’un de ses protégés on le sentait un peu triste, mais comme dès le lendemain un autre arrivant venait occuper la place vide il retrouvait la joie. Ainsi, la vie n’était jamais monotone.

Un matin, en se réveillant, le petit ours en peluche couleur de pain d’épices découvrit sur l’étal, ce qu’il crut d’abord être une petite fille. Mais si petite, qu’il comprit bien vite qu’elle devait être ce que les grands appellent « une poupée »… En l’observant du coin de l’oeil, il eut un choc. Elle était cassée, mais ses cheveux étaient couleur de Lune. Elle était un peu fripée, mais ses yeux étaient plus brillants que les yeux les plus brillants des plus beaux ours de la fabrique. Abîmée, mais elle souriait du même sourire que celui de la souris grise à moustaches noires. Il remarqua (mais cela n’avait pas grande importance pour lui…) que le bout de son nez et deux doigts de la main gauche lui manquaient. Mais il eut mal pour elle à cause de quelques trous noirs qu’elle avait dans les jambes.  Leurs regards se croisèrent. Ils se dévisagèrent longuement,  longtemps,…

Bientôt, le soir commença de tricoter la nuit. Le petit ours en peluche couleur de pain d’épices qui avait senti tout le jour durant son coeur lui grignoter la poitrine, connaissait le bonheur. La petite poupée, elle, souriait.

Cette nuit là, il fit grand vent. C’était la nuit de Noël, je crois, et le vieux monsieur, avec un drôle de chapeau jaune, un manteau tout rapiécé et une longue barbe, était parti, avec des amis bruyants, en oubliant de recouvrir son étal comme à l’habitude.

Le lendemain, lorsque le vieux monsieur, avec un drôle de chapeau jaune, un manteau tout rapiécé et une longue barbe, revint à son étal d’un pas mal assuré, il ne retrouva ni la petite poupée cassée ni le petit ours en peluche couleur de pain d’épices.

On raconte que la nuit de Noël, quand on a le coeur pur et qu’on sait regarder, pour peu que ce soir là, le ciel soit dégagé, mais sans Lune, on peut voir : Là, juste entre la Grande et la Petite Ourse, (plus précisément entre Megrez et Kochab) deux minuscules étoiles qui brillent d’un étrange éclat. L’une a des reflets bleutés l’autre est, comment dire… Comme le fond des yeux de certains chats, couleur de pain d’épices.

 FIN

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