Chapitre Quatre

Il fait bon être sur Geià

Il fait bon être sur Geià.

Les hommes, les femmes se côtoient dans les entreprises, dans les transports, dans les rues, sans qu’il y ait eu depuis des années la moindre plainte de l’un ou l’autre des deux sexes. On travaille, on fait ses courses, sans aucune crainte de l’accroc à la civilité. Ceux et celles qui contestent leur appartenance de genre sont vus comme ceux et celles qui l’acceptent, sans aucune défiance. Sont-ils vus en fait ? Dans le flot des êtres qui passent, personne n’est remarquable. On ne stigmatise pas.

C’est pareil entre les générations. Les jeunes, ceux qui ont dépassé l’âge de l’égide, vivent leur vie d’aventures au milieu des anciens, ceux qui ne sont pas encore en âge d’égide ; ces derniers regardent sans rancœur les premiers, à qui l’avenir est promis. Ils n’encouragent pas la témérité de la jeunesse, ce qui pourrait conduire à sa mise en danger, pas plus qu’ils ne l’empêchent ; de même, la jeunesse reconnaît ses racines dans les anciens, et nos jeunes ne donnent aucun avis sur le passé, puisqu’ils en sont les fruits.
L’Égide. Voilà une institution qui vraiment produit les meilleurs effets. Les familles qui donnent leur enfant ou leur parent en égide n’en souffrent aucunement. Bien au contraire. Qu’elles y soient tenues n’est pas la raison : les familles ont acquis la conviction que seule une égide définie en commun, commune à tous et égale pour tous est la garantie d’une société de paix. La paix doit être enseignée et comprise, c’est l’Égide qui en a la charge.

Le fort ici, n’a aucun intérêt à dominer le faible. A quoi lui servirait par exemple de déposséder un faible ? Il justifierait qu’on le dépossède à son tour. Or personne n’a envie d’être dépossédé. Chacun est le fort de l’un en même temps que le faible de l’autre. Les forts se reconnaissent à leur apparente magnanimité. Il semble qu’on puisse tout leur demander, ce qui les conforterait. Les faibles, de leur côté se reconnaissent à leur ostensible dignité ; chercher à les assister serait leur faire injure. L’attitude générale est toute en réserve et cela rend l’existence très paisible.

Oui, il fait bon être sur Geià.

Les citadins ne seraient probablement pas aussi sereins si les fabriques n’étaient pas cantonnées loin des agglomérations. Les villes ne sont pas un conglomérat d’éléments disparates, tel que peut l’être un mélange de maisons de toutes tailles et de fabriques de toutes choses. Les villes sont des lieux où l’on vit sainement, où l’on respire sans les équipements nécessaires dans les zones de fabriques. Les villes sont des lieux où l’on n’a pas cette crainte de mettre en danger sa santé par le seul fait que l’on respire. Respirer pour vivre est depuis longtemps reconnu comme une évidence fondamentale.
Les zones de fabriques ne sont pas insalubres pour autant. On a compris que centraliser les nuisances permettait de mieux les contrôler et de mieux les résoudre, et de mieux préserver du même coup la forêt et les villes. La vie dans ces zones n’est certes pas facile, c’est pourquoi les hommes et les femmes qui y travaillent bénéficient des meilleures assistances robotiques : les mujes y sont nombreuses !

La salubrité est un facteur important de la paix sur Geià.

Maintenir la paix sur Geià, c’est mon job. Et je le fais bien. Le zèle, qui tente beaucoup de collègues, n’est pas nécessaire pour remplir les missions. Une bonne entente entre équipiers, une bonne coordination, la confiance dans la discipline voulue par un chef sont des principes suffisants pour être efficace. C’est ainsi qu’on m’a nommé Lesage, pour cette idée qu’il est possible d’être efficace sans zèle.

Et crois-moi, ce n’est pas facile quand ta Compagnie veut « Servir, dans le Respect de notre Valeur, avec Vaillance ».

La valeur, c’est tolérance zéro.

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