Chapitre Dix

Lîle

Alors que le Patron souhaitait réunir une équipe censée accomplir des missions de haut vol avec la vaillance inscrite au fronton de la compagnie, une remarque d’un membre du Conseil lui avait rappelé les principes de parité, et par conséquent les effets discriminatoires de ses critères de recrutement : sa section comptait beaucoup trop d’agents masculins aux yeux du Conseil et cela était troublant. Mais pour saluer quand même l’efficacité de son management, et toujours enclin à se comparer à une entité physique, le Conseil s’était dit ébloui par les choix du patron de la section L. D’expérience, on pouvait traduire en termes clairs que cela signifiait une sensation désagréable qu’il fallait corriger au plus vite, et non pas l’admiration générale.

Lucien s’était donc mis en quête d’une collaboratrice. N’importe laquelle conviendrait puisqu’il s’agissait d’améliorer un quota et rien de plus. Une jeune femme avait été retenue en raison de ses connaissances en technologie, Lucien s’étant ravisé et ayant considéré qu’après tout, un élément qualifié et garanti par l’Université apporterait un équilibre dans sa section.

Elle avait su se montrer disponible et réservée bien qu’on ne lui donne pas l’occasion d’utiliser sa spécialité. Son esprit formé à la réflexion, à la fois pragmatique et ouvert, avait répondu au besoin de clarté qu’éprouvait le Patron ; l’analyse et la synthèse dont elle était capable s’avéraient des étais solides dans ses prises de décision. Aussi s’était-il entiché de cette jeune femme au point qu’elle ne le quittait quasiment plus.

Pour la nommer, il avait choisi Lîle. La consonnance satisfaisait son besoin de diriger des éléments masculins et elle était seule au milieu d’un océan d’hommes. Un choix évident.

D’un point de vue plus personnel, on pouvait à l’égard de Lîle décliner à l’envi la citation antique liant esprit sain et corps sain. Tout éloge qu’on pouvait faire de son esprit s’appliquait aussi à son corps. Si le patron était séduit par son intellect, d’autres étaient séduits sur un tout autre plan. Sa plastique n’était pas sans rappeler celle de Katia, ensorcelante.

 

Lc – Lesage, vous connaissez Lîle… Lîle : Lesage.
LS – Bonjour Lîle.
LI – Bonjour Lesage.
Lc – Vous allez préparer ensemble votre arrivée sur Calista. Le premier contact sera déterminant, il faut le réussir. Puis l’exploration de la colonie, cela est important aussi, avec l’assistance de la muje. Lîle va tout vous expliquer là-dessus. Bon, je vous laisse. Lîle, vous me ferez un compte rendu.
LI – Bien Monsieur.

 

LS – J’espère que tu es patiente, parce que je n’y connais rien en technique.
LI – Ne soyez pas inquiet, je ne vais pas vous compliquer la tâche.

Elle est bien obligeante, cette petite jeune femme.

LS – Et encore moins en gynoïdes. Tu sais vraiment faire fonctionner ce type de robot ?
LI – Je vais juste l’adapter à vos besoins dans la mission.

Et bien sûre d’elle-même.

LS – Tu peux me tutoyer, tu sais.
LI – C’est un peu difficile pour moi. On m’a tellement vanté vos états de service… A vrai dire, je suis impressionnée…

Et spirituelle avec ça !

LS – Mais non, pas du tout, il ne faut pas. Vraiment, c’est rien du tout ça, à côté de ce que tu… de ce que vous…
LI – Mais oui, dites-moi tu !

 

Ah ! Il existe donc un son plus pur que celui du cristal ! Est-ce que la musique existait vraiment avant ce « mais oui, dites-moi tu ! » ? Entendez-vous comme lui le bonheur d’être vivant ? Entendez-vous sa déchirure ?

 

A mon avis, Lesage est amoureux.

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