Il aurait tellement aimé qu’on s’occupât de lui …
Il en voyait tant et tant des pouces aux ongles bien manucurés, arrondis et limés, vernis même, quelquefois.
Ah ! Vernis …. Quelle chance !
Parfois, il pouvait même fugacement frôler leur douceur pommadée au détour d’une poignée de main.
Et lui, honteux de sa coupe au carré, fonctionnelle, lui, souillé parfois de la terre du jardin, lui, fripé par l’eau de vaisselle …
Déjà, quand elle était petite, elle le dédaignait. Jamais il n’avait connu la douceur de sa petite bouche : elle ne l’avait même pas jugé digne d’accompagner son sommeil d’enfant.
Oh oui ! Comme il aurait voulu que Mère lui prêtât quelque attention !
Pourtant, il était serviable, il jouait sans jamais faillir son rôle de préhension (oui, quand il avait appris ce mot, il en avait tiré une légitime et incommensurable fierté), frappant sans relâche la barre d’espace de l’ordinateur, relayant d’une érection altière l’humeur de Mère lorsqu’elle signifiait, grâce à lui, son contentement ou son approbation. Et combien de voitures n’avaient-ils pas arrêtées, tous les deux, dans ces temps bénis où ils étaient jeunes et avaient la peau tendre ….
Durant toutes ces années, s’est-il déjà plaint, lui, des coups de marteaux mal ajustés ? des échardes s’acharnant à rester logées dans sa chair ? des grattages salissants et fatigants imposés par ces jeux débiles auxquels on ne gagne jamais ?
Et voilà, en regard de tous ces services rendus, docilement, sans jamais la moindre entorse, ampoule ou panaris, qu’avait-il eu ? Rien… Aucune reconnaissance, pas le plus petit soupçon de com-préhension en retour …
Bien sûr, il avait bien songé à en finir et à se jeter sous la lame acérée de la scie sauteuse, mais ses 4 frères, insouciants, virevoltants et douillets, néanmoins veillaient.
Alors, un jour, prêt à tout pour un peu d’attentions, il resta, stoïque et résigné, dans l’entrebâillement fatal de la lourde porte de l’entrée, Il s’arc-bouta lorsqu’elle tourna férocement vers lui ses gonds menaçants et se prépara à la morsure cinglante dans sa chair en se répétant : « résiste, prouve (lui) que tu existes » ….
Enfin, oui, ENFIN, elle allait penser à LUI ….
Elle a dû le panser en pensant très fort à lui, elle ne peut s’en passer !
J’ai moi aussi un petit orteil qui émet des velléités en se fracassant tous les matins contre le pied de la table basse. S’il croit que je vais lui donner ma bouche, il rêve.
La cinquième roue du carrosse est pourtant indispensable, c’est la roue de secours.
Ayayouille ! Que ça fait mal rien que de l’imaginer ! Et en vrai ? Un peu, non ? Et ta porte vitrée, elle tient toujours ou tu lui as flanqué un coup de marteau pour la remercier ?
C’était sans doute la seule solution pour que Mère dise enfin « pouce »… Ouille ouille ouille.
Sur Facebook j’aurai assurément liké, le « pouce » en l’air
Et j’adore la photo de grosse porte et clef qui se balance, qui annonce ton texte…
Merci, m’dame Cécile !
Et puis… Merci pour les derniers mots de « Jean Do »
Le Hérisson a ses entrées partout ! ;0))
Mais, bon sang ! pourquoi, diantre, ne pas se contenter de son statut de prolétaire ?
Pourquoi, bigre, ne pas se satisfaire de ses « érections altières » ? Pour le coup il aura goûté, sacrebleu, à un coup de sang … bleu … Et, ça … Oui, ça fait mal !
Très drôle, et… douloureux, sur la fin, n’est-il pas ? Comment a-t-il vécu, ensuite, le fait d’avoir une « poupée » ? 😉
Très bonne question, Dame Boudune !!!!
Étonnant, original, et un peu effrayant quand même, je dois dire.
Ah, ça sent le vécu, non ?
Vrai, on ne fait pas attention à toutes ces petites parties de nous qui nous font, et nous aident à vivre, que dis-je, qui nous sont indispensables…
Un beau petit « hommage » bien écrit, où l’on palpe bien le désespoir de Monsieur Pouce.