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Notre ami était un être rationnel. Après avoir été vérifier qu’il n’était pas brutalement devenu diabétique ou que sais-je encore, il s’arrangea donc de sa nouvelle identité olfactive, à défaut de pouvoir la combattre.
Ce fût assez pénible au début, il faut bien l’avouer, et il fût plus d’une fois auto-incommodé par ses propres effluves alors même qu’il mettait toute sa volonté à les apprivoiser.
Il changea de marque de parfum, relu le livre de Süskind et s’appliqua avec beaucoup d’assiduité à oublier le désagrément permanent de ne pas pouvoir se sentir.
Et il faut reconnaître que ça commençait à fonctionner. JFK ressentait à nouveau les bienfaits de l’insouciance.
Mais un beau matin, alors qu’il promenait sa bonne humeur retrouvée pour se rendre au travail, il vit soudain son ombre, projetée devant lui par le soleil levant, lever brutalement le bras, avant de le laisser retomber tout aussi brutalement.
De surprise il s’immobilisa. Evidemment, son ombre fit de même, et pendant un instant plus personne ne bougea.
JFK, qui n’avait pas l’intention de s’en laisser compter aussi facilement, se retourna et vit derrière lui le chantier du tout nouvel immeuble en construction, orné d’une magnifique grue qui le toisait, arrogante et superbe dans le bleu du ciel. Que c’est beau, une grue ! se dit JKF, toujours prompt à s’émerveiller.
Et il reprit sa marche.
Le soir, il lança un clin d’œil complice à la grue, mais entre nous soit dit, il aurait mieux de regarder derrière lui : cette fois-ci, sur les dessins de sa silhouette, deux bras étaient levés, et semblaient s’amuser follement, se contorsionnant dans les rayons du soleil couchant. Mais JFK, l’heureux homme, ne le vit pas.
Pour tout dire, cet homme-là, vivait le nez en l’air … Toujours à regarder l’oiseau, le bourgeon, le nuage, le reflet, toujours à contempler les petites beautés du monde au-delà des toits de la ville.
C’est donc en suivant le regard hébété d’un passant qu’il comprit, plusieurs jours après, son infortune : l’ombre de sa jambe, laquelle était pourtant rivée à l’asphalte par un solide 44 et demi, était levée perpendiculairement à son corps, dans un magnifique mouvement qu’il aurait été, il faut bien le reconnaître, tout à fait incapable de réaliser dans la réalité …
Il s’aperçut alors avec stupéfaction (et consternation) que, dès qu’il avait le malheur de passer dans un espace ensoleillé, l’ombre de son corps prenait son indépendance. Jambes, bras, torse et tête, tout s’agitait, se désarticulait, se déhanchait, se mouvait en arabesques et circonvolutions grotesques et, bien sûr, incontrôlables …
Il courut jusqu’à chez lui, s’enferma à double tour, terrorisé tant par ce phénomène étrange que par les conséquences qu’il aurait sur le cours tranquille de son existence …
De ce jour-là, JFK vécut à l’ombre, rasant les immeubles pour aller au travail et ne sortant furtivement que le soir venu.
Il bénissait les jours de pluie, les ciels couverts, il se prit à détester l’arrogante vitalité du printemps, son ardeur et ses flamboyances saugrenues, il espérait l’hiver et ses longues nuits qui viennent mordre les matins et avalent les fins d’après-midis.
A vivre sans soleil, il se voyait s’étioler, se ternir, et sa vie toute entière perdre sa saveur :
il n’était plus que l’ombre de lui-même …
J’ai besoin de comprendre… Ça ne serait pas l’ombre qui sent mauvais par hasard ?
La chute « il n’était plus que l’ombre de lui-même » !!!!!!!!!
Y a pas l’ombre d’un doute, c’est bien dit, comme tout ce texte si bien écrit !
L’ombre de qui , de quoi ? Un léger suspens, doute ou incertitude presque impalpable mais bien là, quand il se retourne et voit la grue comme ses bras, s’agiter dans le ciel. Tu nous tiens en haleine, que va-t-il se passer encore ?
(M’en fous, j’ai déjà la suite qui m’attend !)
Il devrait essayer de la faire tenir tranquille. Certains y sont bien arrivés :
La présence, l’odeur, puis l’indépendance de l’ombre… Si elle se met à prendre consistance, JFK va t’il se dématérialiser à son profit? Suspense…
L’ombre de JFK qui démène sa vie comme bon lui semble par à coup anarchique et désordonné m’a fait penser à ça : « le ministère des démarches ridicules »
http://www.dailymotion.com/video/xmbzbq
Ah ah !! :-)))
Et les français moqués par les MP, c’est quelque chose aussi … !
Mais ces Bwiiiiiiiitaniq’s n’ont Vwaiment aucune wespect pouw la Fwance ! ! !
Ce pauvre’homme!
Car j’en connais qui vivent comme ça dans la vraie réalité – pas que dans celle virtuelle de la création poémique…et effectivement ils sont toujours tôt ou tard trahis par leurs ombres, à moins que leurs ombres ne décident de les forcer à changer d’odeur…car si même l’ombre ne peut la sentir, cette odeur, alors là il lui faut impérativement faire quelque chose!
Attendons la suite…qui vivra verra :-))) !
Le poèmique poème de Gibbon sauve déjà un peu la mise…
Ombre
Son ombre le suivait comme un chien.
Son chien, comme bon nombre de chiens,
le suivait dans l’ombre…
Mais son ombre avait peur des chiens
comme d’autres ont peur de l’obscurité :
des chiens de tout poil,
chien de race, de chasse et j’en passe…
chiens bâtard, perdus ou sans colliers…
Des méchants, des savants,
chiens d’arrêts ou couchants,
de fusil ou de garde…
Bref, de ceux qui regardent
les évêques ou les aveugles.
Une avalanche de chiens :
bergers, policiers, muselés
chiens de quille au yeux de faience,
et puis ceux de salon
qui font sur les pantalons…
Son ombre le suivait en tremblant,
et partout, tout pareil
par tous les temps,
le chien était toujours derrière…
sur la place écrasée de soleil
comme sous la pluie de l’ennui.
Entre chien et loup,
longeant le mur du cimetière,
au sortir de la ville,
l’ombre rêvait de gouttière
d’ornière ou de taillis,
pour enfin, n’importe où
dormir tranquille,
en chien de fusil.
Gibbon
Super cadeau !! Merci Gilbert …
Surtout qu’au début de mon histoire, JFK avait un chien, et puis à un moment donné du récit il m’a gênée, alors je m’en suis sauvagement débarrassé … Abandonné, quoi. Pauv’ bête !
Ah! Ah ! Je savais que tu haïssais nos braves et fidèles représentants de la race canine.
Il y a quelques temps déjà, dans une de tes nouvelles, le personnage principal shootait sauvagement un chien qui avait eu le malheur d’apparaître dans ton récit sans qu’on lui eût demandé son avis. Et l’ histoire de prendre son envol en dédaignant les conséquences de cette agression. Seul, je t’en fis part, aucun autre wizzzeur n’ayant semblé s’en émouvoir. Je constate que toute la pédagogie de notre BB nationale (iste) est vaine. Je vais lâcher, les chiens sur ton insensibilité. Sans coeur, va !
!
Ben vla aut’chose ! Ca devient de plus en plus zétrange ! 🤔 😯
Waouh, c’est grave ! Dédoublement de l’ombre qui n’en fait alors qu’à sa tête.
Je ne sais pas où tu veux aller avec ton infortuné JFK, mais je t’y suis avec curiosité ; vivement dimanche prochain !