Ce petit texte politico-humoristique a paru à l’origine au café littéraire de Patrick L’Écolier. Je l’ai écrit pour brocarder la désinvolture avec laquelle la plupart de nos politiciens traitent la vie animale en général dans leurs programmes où le fric est roi. Le contexte : année 2012, une centaine de jours avant l’élection présidentielle…
Le changement, M.E.R.D.E.
Bonjour mesdames, messieurs.
Bienvenue à la première séance de travail du tout nouveau Ministère des Espèces Rares, Disparues ou Envolées (ce sigle commence mal, je trouve)… et merci de votre confiance. Bon, ne perdons pas de temps, et voyons la liste du mois pour les animaux menacés d’extinction, et que nous allons nous efforcer de préserver. Hormis la disparition de deux espèces de maquereaux en février et mai dernier – le brissort feu, et le jorgétron à queue courte – pour lesquels nous ne pouvons plus rien faire, nous allons devoir nous pencher sur plusieurs cas intéressants. Ouvrons le ban avec un plantigrade menacé :
- L’ours brun, bon début, oui… Voyons cela… Principal prédateur du castor… ?!? Ah oui, mais non, j’ai un ami que ça ne va pas arranger. Laissons ce dossier de côté pour l’instant, il n’a pas l’air si urgent, et passons au suivant :
- L’hippopotame nain, population : 3000 individus. 3000, on a le temps de voir venir, hein, faut pas exagérer, tout de même. Ils ne vont pas se volatiliser demain. Des bestiaux pareils. Et ceux du zoo de Vincennes, on les surveille : pas question qu’ils s’éteignent.
- Le kakapo (qu’est-ce que c’est que ce truc ?)… gros perroquet aux couleurs démentes, l’espèce ne compte plus que 86 spécimens. Il a perdu la faculté de voler, et se déplace en courant. Eh bien, il mérite ce qui lui arrive, je regrette. Soyons sérieux : ce ne sera pas une grosse perte. Depuis quand a-t-on un dossier de collaboration et de financement avec Wellington ? (je veux qu’on me trouve le res… l’irresponsable de cette liste). Après le kiwi, ce… cet oiseau. Qu’est-ce qu’ils foutent là-bas, avec leurs poules ?
- Examinons le drame de l’animal suivant, qui est un chien de berger : le barbet. Ses caractéristiques rustiques et notamment son étonnante fourrure laineuse, font de lui un chien qui ne craint ni le froid, ni l’eau, et ce, à n’importe quelle saison (dixit le site internet du barbet). Alors pourquoi disparaît-il, l’animal ? La barbe ! Trouvez-lui une niche fiscale, s’il en reste, et finissons-en.
Concentrons-nous plutôt sur les cas vraiment urgents, à savoir (cet article n’est même pas sur la liste, heureusement que je veille) :
- Les quelques rares espèces qui hantent encore mon coffre-fort, ça c’est intéressant. Comme je l’avais déjà remarqué auparavant, elles trébuchent et ne sonnent plus…
N’empêche qu’on a déjà réalisé de grosses économies en écartant les cas douteux ci-dessus, et quand on aura viré le crétin qui a rédigé cette liste, le budget récupéré contribuera à renflouer un peu le portefeuille du ministr… ministère, qui aura besoin de moyens considérables pour mener à bien la noble tâche qui lui a été impartie.
- Pour terminer, juste pour le fun, citons le cas du chef de file des deux faces de tanches dont l’extinction a été évoquée au tout début de cette réunion : il s’agit du sar. Le sar… douillet ? Non, cosy, c’est ça… ou quelque chose du genre. Le nom est déjà en train de s’estomper, dites-donc… Ce frétillant louvoyeur* est voué, lui aussi à la disparition dans un peu plus d’une centaine de jours, mais il sera probablement remplacé par une espèce similaire, ce qui ne devrait pas entraîner des changements trop radicaux dans le biotope de la mare politicum.
Fin de cette session, je vous remercie infiniment de votre attention, nous avons assez travaillé pour aujourd’hui. Allons maintenant procéder, mes amis, à l’éradication occasionnelle du homard thermidor et de l’œuf d’esturgeon, deux espèces qui ne sont pas près de disparaître des ministères, mais dont nous devons étudier le cas avec toute l’attention requise.
*Louvoyeur : pris dans le sens d’une personne qui louvoie, n’est-ce pas, et non dans celui (cf Dictionnaire professionnel du BTP) du dispositif pour enfoncer des tubes dans les fond… mais qu’est-ce que c’est que cette définition ?!?
*Notes (par Cachou) :
Ce texte de 2012 est très clairvoyant, car en effet, le sar cosy a bien disparu (et on ne le regrette pas). Il a été évincé par le haut Land, une espèce dont la particularité singulière était de se déplacer de nuit et casqué. Mais aujourd’hui, en 2018, on en arriverait presque à se dire que le sar n’était finalement pas si mal. Notre nouveau prédateur, le maqueron, nous coûte un pognon de dingue, surtout quand on en a pas. De pognon.
Au passage, on a aussi perdu le hulot et le collomb, pour ne citer que les principaux. Sans parler du bénalla, aux moeurs grégaires bien que d’une espèce particulièrement protégée.
Je vous remercie pour votre attention.
Me rappelle les bestiaires du regretté Ryko …
Ceci dit il est une espèce qui est en voie d’expansion : « les cons…citoyens. »
J’aurais pu dire : « les cons qu’on dit citoyens » mais ça fonctionne moins bien.
Si au moins on était rassuré par l’apparition de nouvelles espèces… Mais la prolifération des veaux quillés, des pens marinés ne me dit rien qui vaille. Et les lenchons que j’élève (mes lenchons sont malades en ce moment, je ne sais pas les vôtres…), je doute qu’ils fassent le poids.
Mes lenchons, c’est pareil. Je les avais mis dans un enclos entouré d’un câble. Et l’un d’eux l’a pété. Le câble ….
Mes lenchons, c’est pareil pour moi, j’ai très peur qu’ils s’éteignent. Y a des forces obscures (brunes peut-être) qui sont à l’œuvre. Brrr.
Rooh tu es un visionnaire ! C’est drôlement réjouissant (c’est un pléonasme ça, non ?), lu comme ça. Et la cerise de Cachou sur ton gâteau…! :-))
J’aime tes pléonasmes, ma Mêo, car ils ne redondent pas. Merci 🙂
Il est intéressant de signaler que, par un amusant caprice de l’actualité, le jorgétron (ou jorj-étron) à queue courte revient sur le devant de la scène avec son procès pour harcèlement sexuel, et quelques autres etcétéras. Celui-là même de mon texte, oui oui. Il n’a pas l’air si éteint que ça.
Si toutes les sortes de différentes espèces, si nombreuses qu’on peut pas les compter tellement y en a, sont en voie de disparition et protégées comme tu le dis, avec tant de soins, je crains qu’on n’ait pas fini de manger du filet de macron et pourtant, celui là y en a qu’un !
Quoique … On sait pas combien y en a d’autres, des variantes, qui se cachent encore !
Tout ça fait encore du monde somme toute ! Ca peut durer encore un certain temps avant qu’on en voie le bout ! M.E.R.D.E. !
Encore 4 ans de filets de macron, ovin blanc ! On n’a pas fini d’en bouffer.
Sur ce coup-là, j’ai quand même l’impression que les ovins, c’est nous! Et bien tondus, en plus …
C’est bien ainsi que je l’entendais.
J’ai très bien beaucoup souri, et en plus tous ces bipèdes ou quadru sont dans le même pré monitoire. Bizzz
Bizzz ma Bou !
Dans le pré monitoire ? ! Tu rêves , Bou Tchou !
Ouah la la, le Sar Ko et consort, que des mauvais souvenirs, et le pire est que ça empire……… mais les textes du Castor, que des bons souvenirs et on en reprend volontiers une dose pour garder le moral !
Plein de bons souvenirs marrants, oui ! Merci, Claude.
Très bon ! D’une dramatique drôlerie !
Et c’est pas fini…
J’ai bien peur que non 😛
Ce texte de 2012 est très clairvoyant, car en effet, le sar cosy a bien disparu (et on ne le regrette pas). Il a été évincé par le haut Land, une espèce dont la particularité singulière était de se déplacer de nuit et casqué. Mais aujourd’hui, en 2018, on en arriverait presque à se dire que le sar n’était finalement pas si mal. Notre nouveau prédateur, le maqueron, nous coûte un pognon de dingue, surtout quand on en a pas. De pognon.
Au passage, on a aussi perdu le hulot et le collomb, pour ne citer que les principaux. Sans parler du bénalla, aux moeurs grégaires bien que d’une espèce particulièrement protégée.
Je vous remercie pour votre attention.
Merci Cachou pour cet épilogue, qui est en fait un recommencement. Je n’aurais pu dire mieux.
Le bénalla espèce particulièrement protégée, hu hu hu !
Je tiens absolument à ce que l’épilogue cachounesque apparaisse en note de bas de page pour ce documentaire, qui serait incomplet sans cet additif inspiré.
Rhoooo … bah quel honneur !!
Merci camarade Castor 🙂