Le martyre de la colombe
(De la place déterminante du ressort à boudin dans les relations de raout)
Anatole s’est jeté sur moi comme un animal, il est en train d’arracher mon chemisier à falbalas, celui qui a coûté à ma pauvre maman la peau, je veux dire de grands sacrifices. Ma poitrine d’albâtre jaillit du vêtement en lambeaux. Mon Dieu, cet homme est fou, il voit mes tétons, cela ne se peut pas… Je résiste de toutes mes forces, mon pied part dans ses couil… dans ses forces vives. Il s’est plié en deux, mais se redresse, furieux, et m’expédie un crochet du gauche qui envoie sur le talus humide deux de mes canines et une prémolaire.
La superbe soirée de madame Bêtaucours avait pourtant bien commencé, Anatole était un vrai gentleman. Il m’a entretenue de la vie des ragondins dans les étiers de Machecoul, de la fabrication des ressorts à boudin (en lançant des œillades comiques en direction de cette dondon d’Henriette, ce qui m’a fait beaucoup rire !) dans les usines Harcelé-Bittal, et de beaucoup d’autres sujets passionnants. Il m’a étourdie de champagne et de contrepèteries, quel délicieux coquin ! Je lui ai pourtant rappelé que j’étais liée par le cœur à Roberto, et que nous devions rester amis avant tout. Son magnifique visage s’est attristé, mais il a proposé, beau joueur, de me raccompagner dans sa MG décapotable. Dans ces conditions, il m’était impossible de refuser.
Cet homme démoniaque a en fait arrêté la voiture dans un sentier, à l’orée d’un petit bois, m’a fait descendre…
Où en étions-nous ?… Ah oui, mes canines, quelle horreur, je vais être affreuse. Mon esprit confus essaie de se remémorer les prières apprises dans mon enfance, pendant qu’Anatole s’acharne sur ma courte jupe… Et soudain, plus rien.
Le silence.
Je m’efforce d’ouvrir les yeux.
Mon agresseur est à terre, inanimé. Près de lui, Roberto, les poings serrés et la lippe farouche. Mon Roberto. Sous mes roberts, ou plutôt sous ma poitrine laiteuse, mon cœur bat la chamade… Cet amour me regarde, et son visage se fripe. Il reste dans cette position déchirante, les pieds écartés sur la même ligne, le bras et la main tendus dans ma direction. Il a adopté l’attitude célèbre de Renato Salvatori dans les romans-photos des années soixante que je dévorais avidement chez ma grand-mère, ce qui m’émeut aux larmes.
— Pauvre petite colombe, tu trembles toute ! exhale-t-il en me tendant ses bras. Tu es glacée, viens te réchauffer.
Il m’attire contre lui, et glisse sa main entre mes jambes, afin d’éviter l’hypothermie à mon pauvre corps martyrisé.
— Oh, mon Roberto, aahhh ouiii, ouiii, je veux dire non, merci d’être toujours là pour moi, je t’aime tant, tu sais… Mais nous devons être raisonnables avant le mariage. S’il te plaît, retire ta main, nous allons nous mettre hors-sujet, et cet horrible Harlequin va me gronder.
— Qui est cet homme ? Que me caches-tu, mon pangolin d’amour ?
— Tu m’appelles comme ça parce que je suis édentée, vilain ? Serre-moi fort !
En devisant tendrement, nous avons regagné sa voiture. Il a épongé avec beaucoup de douceur mon visage ensanglanté, s’est mis au volant, et a embrayé. Je me suis sentie lentement sombrer dans un coma réparateur, la main rassurante de mon Roberto posée sur mes cuisses frémissantes. Puis, dans un grand déchaînement musical, le mot FIN s’est inscrit sur l’écran blanc de mon âme.
FIN
Épilogue :
Cet emmanché a arrêté la bagnole, et a profité de mon inconscience pour me sauter. Tout compte fait, Roberto est un gros con. Les postures de Salvatori dans les romans-photos sont d’un grotesque à pleurer.
Et je pisse sur la collection Harlequin.
NDA : Spéciale dédicace à Cachou.
Il va de soi que l’héroïne de cette histoire assume complètement son opinion concernant la collection Harlequin. Ces livres ont fait et font toujours le bonheur de millions de lectrices, et si bonheur il y a quelque part, quoiqu’on pense de la littérature populaire, moi ça me va.
C’est Délicatessinissime ******
Si tu publies dans Harlequin, tu feras signe, Castor, hein ? J’en veux encore des comme ça :-)))
Delicatessenissime, je voulais dire. Pas seulement à cause de l’histoire des ressorts 😉
Ma Mêo, dès que Harlequin me fait un pont d’or, je te dédie à toi, ma poétesse préférée, mon premier ouvrage avec une réduction de 0,5%. Et j’en ai autant pour la Boudune.
Dommage qu’il n’y ait pas eu d’après, pour la mésaventure, je veux dire. Fa aurait été amuvant de faire parler l’héroïne comme fa. F’était fucculent à lire, mon Caftor.
Merfi ma Bou. J’adore tes trouvailles, mon prochain récit traitera de la scène de ménage chez les pangolins. Et j’aurai la dent dure, crois-moi.
Voilà une brève et lamentable aventure qui illustre parfaitement la morale de la chanson bien connue des carabins et autres fêtards:
« La morale de cette histoire
Larirêêê-te larirê-ê-ê-te
La morale de cette histoire,
C’est qu’les hommes sont des cochons
La morale de la morale
Larirêêê-te larirê-ê-te
La morale
C’est qu’les femmes aiment les cochons
» Les histoires d’amour finissent mal… »
Ah bon, ce ne sont pas des histoires d’Amour ?!?!?!
Ben si. Mais les mecs ont souvent un pénis à la place du cœur.
Je ne te savais pas si romantique cher abominable Castor !
J’ai connu des gens qui écrivaient pour Harlequin, il y a très longtemps… prof de lettres classiques si je me rappelle bien. 🙂
Je suis le romantisme incarné, chère Claude. Ça me fait plaisir que quelqu’un s’en aperçoive enfin.
Pour la romance populaire, il faut que ce soit bien écrit, tout en respectant la ligne éditoriale. Je connais des écrivains de talent qui pondent des nouvelles pour « Nous deux ».
Mince, moi non plus je n’en ai jamais lu. Tu fais poindre en moi le désir fou de m’y plonger avec volupté :-)))
Quelle magnifique source d’inspiration ce doit être en effet pour écrire en retour un Hardlequin un peu braque, genre « le braque martyre de la colombe » …. !
En tous cas merci, mon Castor, pour cette succulente dédicace ♥♥♥
Ah mais ils se sont diversifiés, hein. Ils ont même publié de la romance historique, du polar et de la science-fiction… romanesque, hu hu hu ! Le Hardlequin n’est peut-être pas si loin.
Aaaaah ! la surperbe po…i…trine !
comme disait Dany Boon ;0))
Haaaarlequin …
J’en ai jamais lu mais si tu publies dans cette collection (existe-t-elle encore ?)
j’achète.
Oui, Gibbon, Harlequin existe toujours… depuis 1949 ! J’en ai jamais lu non plus, du coup je peux pas critiquer. Je laisse ce soin à mes personnages.
Si je propose mes histoires à Harlequin, ils vont m’envoyer à La Musardine. Ou au bain^^