Le Fantôme du lavabo
J’entrai dans la chambre, parcourant sur le tapis usé , et sur la pointe des pieds, l’espace qui me séparait du lit… Je ne voulais pas réveiller les « autres ».
Mais ce soir ici tout semblait être du ressort des vivants. Et puis hier, j’avais parlé à mes amis d’un supposé visiteur nocturne, sous la forme d’une dérision humoristique et je m’étais ainsi persuadée qu’il s’agissait d’un rêve, engendré par l’ouverture spontanée d’une vétuste porte de placard cachant un minuscule lavabo – et peut-être d’un repas trop copieux et trop arrosé : vous pensez bien, du veau à l’oseille, miam !
Pourtant, à peine couchée et lumière éteinte après lecture de mes quelques pages du soir, je l’entendis cette porte de placard, elle s’ouvrit à nouveau, comme la nuit précédente, marquant le mouvement de la poignée d’un léger ploc, celui des gonds d‘un léger grincement, mais en plus cette fois-ci, je détectai réellement une présence et son mouvement trahi par un léger froufroutement, un glissement furtif mais répétitif, comme un balancement irrégulier… Tous ces sons étaient doux et légers, mais ils étaient bien là !
Et là, je dois le dire, au manoir des dames M, dans la chambre des maîtres ornée de moulures et de dorures, j’avais appelé sans le vouloir, juste par ma présence, mon odeur peut-être – le patchouli – le fantôme des lieux, de fait blanc comme un lavabo… qui me rendit de même dans ma peur de l’inconnu.
Je m’enfonçai alors sous les draps épaissis de maintes couvertures vieillottes. Brrr !
Néanmoins, curieuse, après quelques minutes d’écoute attentive, je ne pus m’empêcher de remonter vers l’oreiller et, me camouflant la tête sous son gonflant, de jeter un œil en le soulevant à l’un de ces coins.
« Il » était bien là, brume blanche et informe, un peu phosphorescente, allant et venant par à-coups à travers la pièce, glissant au-dessus du vieux tapis, virevoltant autour du lit, se déformant à chaque mouvement, et toujours relié au siphon du lavabo par un voile sans fin.
C’était le ballet d’un unique danseur au tutu pudique le recouvrant de la tête aux pieds.
Je ne pensai même pas à saisir mon appareil photo, pourtant tout près, pour immortaliser cet instant, persuadée dans mon inconscient que la pellicule resterait vierge, et je replongeai au fond du lit, mains sur les oreilles, paupières fermement serrées, et tentai de me calmer : en effet, ce n’est pas banal et ça rend nerveux, une telle rencontre, entre un fantôme blanc lavabo et une wizzzeuse en vadrouille blanche de trouille ! Et quoi qu’on en pense, je préférai sur le moment la fuite à l’explication.
Grelottant de froid (bon dieu, ces couvertures râpées ne valent rien !), je parvins néanmoins à m’endormir, recroquevillée sur moi-même. L’autre, bien éduqué me sembla-t-il, me laissa faire… et retourna vraisemblablement s’endormir dans son lavabo, son placard duquel il referma doucement, silencieusement la porte.
Car oui, le matin en ouvrant un œil inquisiteur, je découvris que cette porte ancienne et lourde avait repris sa place pour cacher à la vue cet accessoire de toilette minuscule et un peu désuet. Je me tâtai le corps et la tête et constatai mon intégrité physique et mentale… Ce fantôme n’essayait donc point de me nuire, du moins pour l’instant, et j’en fus presque rassurée.
Mais que me voulait-il donc, cet endrapé de l’au-delà ?
Et l’avions nous fâché à le surnommer, en riant de plus belle, Le Fantôme du Lavabo ? Ou tout simplement à avoir douté de son existence ?
Et d’ailleurs qu’étions-nous venus chercher dans cette région rurale un peu « pot de chambre » de l’hexagone ?
… à suivre
A ce stade de l’histoire, véridique histoire, je vous demande, si vous le souhaitez, de poursuivre selon votre envie, à votre façon, comme il vous plaira .
A envoyer soit à mon adresse courriel, soit à l’adresse du site de l’Espricerie : lespricerie@gmail.com qui me transmettra, ou en commentaire.
Merci !
Oui ! Qu’étions-nous venus chercher là, tous les sept? L’aventure et l’honneur comme les sept samouraïs ? La richesse ou le butin comme les sept mercenaires ou les sept salopards, non pas salopards, n’allez pas penser une chose pareille ! Qu’étions-nous venus chercher au fin fond de ce bocage perdu, loin de nos villes, de leur agitation et de leur bruit ? L’air pur et la verdure, le calme et le repos ? Qui d’entre nous, fieffés citadins rationalistes, aurait pu imaginer que les esprits, les sorciers et leurs sortilèges n’avaient pas totalement déserté ces contrées isolées loin des grands axes routiers qui mènent d’ordinaire chaque été les troupeaux d’estivants vers leurs estives en bord de mer.
Un frisson me parcourut et je bus une gorgée de café chaud pour me ressaisir et chasser mes funestes appréhensions. Mes amis descendaient de leurs chambres, l’un avait revêtu un pull au-dessus de son pyjamas chiffonné , l’autre ronchonnait serrée dans sa robe de chambre et s’éclipsait vers la terrasse après s’être servi un café chaud, plus tard un troisième arrivait en trainant ses savates, un pied nu l’autre revêtu d’une chaussette d’une propreté douteuse. Je ne levai pas même les yeux pour leur dire bonjour, d’ailleurs m’auraient-ils entendu ? Et s’ils me répondaient quelque chose du genre « t’en fais une gueule ! t’as pas fermé l’oeil de la nuit? » Je n’allais pas répondre « J’ai vu un fantôme! ». Tu dis ça, après t’as l’air de quoi ? Je me tus donc et restai couette, heuuu … coite , comme égarée, errante et absente , jusqu’au soir.
Je comptais sur l’eau de vie de poire pour m’aider à affronter une nouvelle épreuve nocturne et je fis si bien qu’ils durent s’y mettre à quatre pour me porter à moitié inerte et semi-comateuse jusque dans ma chambre et me coucher. Tout allait pour le mieux, je ronflais déjà à mi-chemin de ce laborieux transfert…
Mais Antoine, de quoi j’ai l’air aussi, avec la poire que tu m’ingurgites à l’insu de mon plein gré ?
Mais pourquoi j’avais loupé tout ça, moi ? ! Un régal de lecture(s) !
Haha ! Trois textes pour le prix d’un ! Bravo les filles, je me suis bien marré.
C’est fait pour ça mon Castor, rions ! Mais n’oublions pas qu’ils existent…
Je réclame haut et fort la suite que donnera Marie-Cécile, mais je tiens à souligner mon approbation quant au très beau texte proposé par Cachou.
Je reste sans voix et les mots me manquent, hormis ceux-ci un peu simplets vous l’avouerez :
« oh qu’il est beau le lavabo, oh qu’il est laid le bidet » hi hi
Merci beaucoup, Brigitte …
J’ai une petite idée…
Je trouve les deux suites de Cachou gouleyantes, le récit en lui-même prenant, j’ai hâte de connaître la vraie suite. Encooore.
Réfléchissons…
Hum ! Il y a des rats de bibliothèque, des rats d’égout, un petit rat de l’opéra peut-être ?
Ou alors comme le chantait Graeme « la nuit suivante j’entre chez moi, j’avais bu un peu de vin … Je vois un truc dans l’lavabo qui était rigolo… »
La possibilité d’une suite :
La nuit suivante, je décidai qu’on ne me la ferait pas 2 fois. Je me suis donc couchée, l’air de rien, me suis recroquevillée sous les 4 couches de vieilles couvertures, j’ai innocemment mis ma tête sous l’oreiller, mais -hé hé- cette fois-ci, j’y ai aussi mis mon appareil photo…. Ainsi installée, l’objectif tourné vers la porte du placard, j’attendis patiemment.
Le temps ne me parût pas très long, parce que je rêvassais, pensant à la journée de la veille, à celle du lendemain, aux courses à faire, enfin tout ça, quoi, mais sans doute fût-il plus long que je ne l’avais imaginé car soudain, je l’entendis : au cœur de la nuit noire, vrillant le silence de son cri aigu et douloureux, le bip bip de l’appareil me signalant l’agonie de sa batterie …
Et s’éteignit.
C’est à cet instant que doucement la porte s’ouvrit et que mon spectral danseur entra en piste. Il se pencha doucement au-dessus de moi et me sourit. Si, si, comme je vous le dis : il m’a souri ! Alors je lui ai souri aussi, et je me suis endormie, le laissant danser à sa guise toute la nuit sur le tapis défraîchi.
Eh bé ! Je suis impressionnée par ce fantôme aux goûts bizarres en fait de logement.
J’attends la vraie suite, la tienne ( celle du hérisson est intéressante, un peu narquoise, tu as raison) et pour l’instant je décline l’invitation à proposer une suite, par manque provisoire de temps, désolée.
Oh là, tu te moques amie hérisson, je le sens :-))!
J’attends un peu, d’autres versions, d’autres idées, et je livrerai la VRAIE suite et fin de l’histoire, et tu verras si j’ai peur. Pfff !
La version du hérisson :
Après une nuit rude comme un jour sans clope, j’arrivai de mauvaise humeur au rez-de-chaussée, maugréant contre le parpaing qui m’avait servi de matelas, et aspirant au réconfort d’un bol de café (avec un nuage de lait et 2 sucres, merci), quand je vis Cécile devant le sien (sans lait, mais on s’en fiche), figée et livide.
Toujours aimable de bon matin, je lui lançai un « t’as pas digéré ton calva d’hier au soir ? », avant d’aller m’isoler, au grand soulagement de tout le monde.
La journée se passa plutôt bien, ma foi.
Quand vint le soir, Cécile fit une timide tentative d’approche : « si tu veux, moi ça me dérange pas, les matelas durs ». Mais comme je suis bonne pâte, je n’ai pas voulu la séparer de cette chambre spacieuse au grand lit moelleux qu’elle avait investie avec un bonheur visible dès son arrivée. Alors par amitié, je lui ai répondu : « non, t’inquiètes pas je vais m’habituer ».
Je notai néanmoins qu’au cours de la soirée, elle avait surtout jeté son dévolu sur l’eau pétillante. Petite nature, pensais-je. Mais par amitié toujours, je ne dis rien.
Le lendemain matin, après une nuit réparatrice tant il est vrai qu’on s’habitue à tout, je descendis de mauvaise humeur ; parce que c’est un principe.
Au passage, je vis Cécile, vraiment très blanche, et avec de délicates cernes qui lui maquillaient délicieusement le contour du regard. « Ben alors, Cécile, t’as pas digéré tes bulles ? » (ah ah, qu’est ce que je suis drôle, le matin !).
La journée se passa plutôt bien malgré tout. Et quand vint le soir, Cécile la couche-tôt n’en finissait plus de réclamer encore et encore et encore des parties de train mexicain. C’est pas compliqué, on n’en pouvait plus ! On a fini par la monter dans sa chambre. Parce que bon … ça va bien, non ?
Le lendemain matin, ça n’avait vraiment pas l’air d’aller mieux, alors je lui ai lancé un « t’as pas bien digéré le jetlag ? » … Mais quand même, ça devenait bizarre, cette affaire. N’allait-elle pas, plutôt que de dormir, courir le guilledou ?
La journée se passa néanmoins relativement bien, même si on avait un peu de mal à la faire avancer.
Vint le dernier jour de ce séjour, si riche en paysages bucoliques, en pets de vaches, et en colombages. Ce matin-là, j’ai posé mon bol en face de Cécile qui resta sans réaction … « Bon, et si tu me disais tout ? ».
Et à ce moment-là, vous savez ce qu’elle m’a dit ? Non, mais je vous jure, pour une fois que je fais un effort pour discuter avant d’avoir enquillé mon café et quelques clopes … Elle m’a dit :
« j’ai peuuuuuur des lavabos ».
Pfffff