» Il est sept heures ! voici nos informations … « 

Aux confins du sommeil, comme un enfant qui gémit, il prononça un nom…

Une mélopée monocorde s’étirait à présent, lancinante et froide comme une main de nuit, remontant dans son dos, palpant chaque vertèbre à la rencontre de sa nuque. Le fil du rêve, effiloché, céda brutalement et les images imprimées par sa bouche au creux de l’oreiller, s’éparpillèrent aux quatre coins de la chambre alors qu’il soulevait les paupières.

Il se leva, délégant à ses pieds, dociles, la charge de le guider vers la voix qui dégoulinait depuis le carrelage de la cuisine. Dans la pénombre, il mit le radio-réveil en sourdine, lui accordant juste de quoi régurgiter les nouvelles du monde : d’habituelles nouvelles, qui ne réchauffent pas. En contrepoint, le robinet gouttait. Il lui soutira un peu d’eau pour la théière avant de se décider à ouvrir les volets qui protestèrent sous la poussée.

Il affronta le jour ; un jour de plus…

La gifle blanche du matin le cingla sans pour autant parvenir à le faire ciller. N’ayant d’autres prises qu’une assiette sale appuyée sur l’évier et le ventre de la bouilloire ternie dont le bec ne soufflait qu’une chétive buée, la lumière longea sans s’attarder un papier jaunâtre et craquelé auquel elle se dilua avant même d’atteindre le fond de la pièce .

Durant un long moment, il resta là, accoudé au rebord de la fenêtre à fixer dans le vague un horizon éteint, le buste exagérément cassé en avant au dessus de la chaussée vide de vie : on eût dit une figurine de cire, découpée sans douceur sur la façade grise de l’immeuble, un avis fade, placardé à la « va comme je te pousse » et qui menace à tout instant de se décoller, un Pierrot espérant le passage du peintre, pour une touche de rose sur ses joues pâles, picotées de bleu…

De l’autre côté de la rue une vitre cligna en sa direction et le soleil un instant captif, délivré du miroir, lui tailla le visage par le milieu révélant sur l’éclair la moitié d’un regard. Il recula vivement, d’ailleurs, la bouilloire l’appelait.

Juste à côté de son coude, par saccades, sur la toile cirée, toupie entre les miettes, le bourdonnement vertigineux d’une mouche renversée, l’agaçait. Il but son thé, à petites gorgée, comme une médication, la main gauche appuyée contre son ventre ; la douleur, revenait, fichée comme une écharde, juste au dessus de son estomac.

– Depuis combien de temps déjà… avait-il mal comme cela.

Dans son dos, la radio, bouche en coeur, susurrait de violoneux sentiments qu’il mit hors d’état de nuire.

Dehors, la rue s’animait, Madame Potin se dandinait devant son porche en émiettant un reste de baguette pour ses pigeons .

Sans doute espérait-elle l’arrivée du facteur, tout le monde attend le facteur…

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