« The remaining »

Une fois n’est pas coutume (ce sera probablement la dernière), voici une chronique cinéma offerte avec la générosité qu’on lui connaît, par notre ami, le merveilleux Castor aimé du monde entier et de ses environs limitrophes.

Alléché par l’affiche et le pitch au dos du DVD, je (le susnommé Castor) me suis installé confortablement pour regarder les trente premières minutes de « The remaining », un film de 2014 qui n’avait pas encore été porté à ma connaissance.
Ça commence plutôt bien, en plein mariage l’apocalypse se déchaîne, les bâtiments s’écroulent, les gens courent en tous sens comme une colonie de fourmis qu’un gamin facétieux arrose au pipi… les avions de ligne leur tombent sur la gueule, suivis d’éclairs terrifiants, puis de grêlons de trois kilos, pour finir de les décoiffer.

La toute fraîche épousée et sa bande courent se réfugier outch outch outch dans la bibliothèque, et là, l’inquiétude imprime à mon sourcil droit un mouvement ascendant tandis que la mastication de ma bouchée de pop-corn s’interrompt (en vérité, j’ai oublié d’en acheter, mais si j’en avais eu, c’est ce qui serait arrivé) : la mariée semble devenue catho-hystérique. Elle retourne en couinant tous les rayons, jetant à bas et piétinant un tas d’œuvres immortelles qui n’avaient rien demandé, pour enfin exhumer ce qu’elle cherchait fébrilement : la Bible. On conviendra aisément que le jeu en valait la chandelle. Puis feuillette ce bouquin épais comme quatre mille-feuilles, et trouve en une demi-seconde le passage qui explique cette épouvantable catastrophe : LE RAVISSEMENT. « Quand le premier sonna de la trompette, il y eut de la grêle et du feu mêlé à du sang, etc ». Moi je trouve ça bien qu’à cette époque ils aient eu leur Sidney Bechet perso pour annoncer les bouleversements. Mais les malheureux écrasés par des tonnes de béton ou précipités du douzième étage n’avaient pas l’air précisément saisis par le Ravissement. Seule la petite demoiselle d’honneur tuée sur le coup arborait, comme moi, un demi-sourire empreint d’incrédulité.

Car la suite devait confirmer mes pires craintes. Tout ce petit monde finit par se retrouver dans une église (normal), le charismatique maître des lieux relayant spontanément le truc du Ravissement : Dieu tue ses bien-aimés croyants – avec une méthodologie discutable, on est bien d’accord – pour les rappeler à lui, et laisse vivre les non-croyants, pour leur apprendre à vivre, non mais. J’ai déjà entendu pas mal d’interprétations du Nouveau Testament, mais j’avoue que celle-là m’a laissé sur le cul. Bon, à part ça, ne manquent même pas à cette attendue situation l’arrivée en ces saints lieux de la dame enceinte, et l’accouchement du bébé mort-tué par l’événement susdit. Sur ce, Maître Charisme attrape une pelle ou deux, et suivi d’un ami de la mariée, se rend à la cave. Ils commencent à creuser pour enfouir le tout nouveau Ravi petit être, qui a tout de même, rappelons-le, subi avec le Ravissement que l’on sait, neuf mois de grossesse et une horrible mort post-claustrophobique. Si bien que le dialogue entre les deux hommes a fini par avoir raison de ma bonne volonté de cinéphile amateur, et que j’ai rendu les armes à la 31è minute avec un grand soupir de lassitude. The remaining (le reste), je ne saurai jamais ce que c’est.
L’ami-de-la-mariée :

— Pourquoi Dieu tuerait tous ces pauvres gens ? Et pourquoi il tuerait un bébé ?

Maître Cha :

— Il ne les a pas tués. Et ce bébé n’a pas trouvé la mort : il a trouvé la vie éternelle.

Bon, ça suffit. Loin de moi l’idée de piétiner les plate-bandes religieuses de qui que ce soit, je vais donc retirer ce DVD de mon lecteur, et insérer à la place une valeur sûre : le merveilleux et multi-visionné « Paycheck », ou peut-être, pourquoi pas, le ravissant « Push ». Suivi, en seconde partie de soirée, tiens, de l’excellent « Minority report ». Toutes ces œuvres prophétiques sont tellement intemporelles que je ne m’en lasse jamais.
Et je n’ai absolument aucun remords pour avoir spoilé le tiers de cette palpitante iconographie qu’est « The remaining ».

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