Quand j’étais enfant, j’observais mon père lorsqu’il sortait avec précaution son « Kodak » de son petit sac de cuir rigide. Je le voyais visser l’objectif, puis disparaître à moitié derrière l’appareil, et, l’œil rivé dans le viseur, ajuster savamment ses réglages.
Je n’apercevais plus de lui que le contour du visage, un œil résolument fermé et une bouche qui se tordait légèrement sous la concentration …. Un rituel un peu mystérieux, transcendé par l’interdit absolu qui m’était fait de toucher à l’instrument (qui devint donc, c’est logique, l’objet de toutes mes convoitises !)
Quand j’ai eu une dizaine d’années, j’eus le droit –enfin !- d’apposer moi aussi mon œil dans la fenêtre magique du viseur. Et là : surprise ! Le monde entier disparut. Ne restait plus de l’univers que cette petite ouverture que JE choisissais : l’appareil photo me coupait des réalités autres, celles que –déjà enfant- je n’avais pas envie de voir …
A mon oreille, la voix paternelle prodiguait moults conseils : la perception de la lumière, l’orientation du soleil, le choix de la prise de vue. Car il ne fallait pas « gâcher » ! Il fallait prendre « utile » : des personnes, des lieux « intéressants ». La photo n’était pas qu’une technique et encore moins un art, elle se devait d’être une efficace machine à souvenirs.
A mes 14 ans, je reçus mon premier appareil photo.
Bon, il n’était pas comme celui de mon père : là, pas d’objectifs, pas de réglages à dompter … Juste un bouton pour déclencher, et une molette pour faire avancer la pellicule. Le tout fourni avec 2 pellicules 36 diapos 200 ASA, et le mot d’ordre : « entraîne-toi » …
C’est donc sur la première pellicule de mon premier appareil photo que j’ai pris ce cliché :
On l’appelait « la maison vieille ».
Pourquoi pas « la vieille maison » ? C’était une telle évidence de la nommer ainsi que personne, je crois, n’a jamais interrogé cette anomalie lexicale ! ….
En torchis, elle fût la toute première maison de mes grands-parents, du temps où ils étaient jeunes métayers : d’un côté l’habitation, de l’autre l’étable.
A l’arrière, le « Ruisseau », et la planche-lavoir de ma grand-mère.
Et devant, le banc en bois sur lequel mon grand-père revint s’asseoir chaque soir, même bien après que leur fût construite une petite maison en pierre, en haut de la pente.
Quand j’ai pris cette photo, elle servait de refuge pour les poules, et pour quelques outils.
Sans que rien ne laisse présager une fin aussi imminente, elle s’est écroulée l’année suivante. Et le torchis est retourné se mélanger la terre.
Je ne sais comment remercier Claude Hersant … La « Maison Vieille » orne dorénavant mon mur. Elle est devenue éternelle !
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Pour que mon «histoire » soit complète, je dois quand même ajouter que lorsque je passai l’examen de passage que mon père fit subir à mes premières photos, celle-ci fût accueillie d’une moue un peu dubitative. « C’est bien », m’avait-il dit, « mais ce n’est pas très intéressant ». 40 ans plus tard, elle a fait partie des 5 photos choisies par Télérama pour son concours « photos d’enfance ». C’était la première fois que je participais à un concours. Et elle signa mon entrée sur le Wizzz !!Je ne sais comment remercier Claude Hersant … La « Maison Vieille » orne dorénavant mon mur. Elle est devenue éternelle !
J’y reviens…
Elle est belle de souvenirs et nostalgie ♥
Genèse d’une passion…
Un bon vieil air de WizZz, en effet, je l’avais adorée.
… Elle reste une de mes préférées… Bises Cachou
C’est vrai qu’elle est à peindre, cette maison d’enfance dont il ne reste rien, mais tout, grâce à un déclencheur et ton oeil déjà aigu. Touchée au plus profond. Je ne l’ai pas vue sur le wizzz, sans doute car arrivée bien après. Je suis bien contente de rencontrer ici cette histoire, cette image, un peu de toi.
Elles sont belles, cette maison vieille, cette photo, cette histoire ******
Tu es rentrée dans le wizzz par la grande porte…la grande porte de la vieille maison. Comme le temps fait bien les choses. Que ce soit les arbres, les maisons ou certaines vieilles personnes il sait leur graver une vie lumineuse à travers les rides des pierres , des troncs ou de visages en majesté. Bravo pour ta photo ça me donnerait envie de la peindre.
J’ai eu la même idée Bruno !
Claude et Bruno, vraiment, si le cœur vous en dit, n’hésitez SURTOUT pas !!!!
🙂 On verra, qui sait ? Pour le moment, chuis déjà à la bourre pour tout, alors pas tout de suite… 😉
C’est dans ces cas-là (quand une maison s’écroule après la photo, comme si elle l’avait attendue) qu’on se demande si les objets ont une âme. L’âme qu’on leur prête, peut-être…
« La Maison Vieille » c’est poétique, évocateur… la vieille maison c’est banal… je ne me souviens pas de la photo, pourtant je devrais. Elle est très belle, comme tirée d’un livre de contes.
Je me souviens de cette photo sur le wizzz. Elle semblait y avoir une grande place pour toi et je sens qu’il est « normal » qu’elle s’épanouisse ici, avec tes mots nostalgiques, fiers et sensibles.
Je les trouve particulièrement belles – cette photo ; cette maison – et tendres aussi comme les souvenirs atténués de notre enfance.
De bons débuts de photographes !
C’est bien que tu l’aies photographiée avant son écroulement cette superbe maison vieille, belle en elle même et porteuse de tant de souvenirs ! Et ta photo est superbe. Et je comprends aussi mieux ton amour des bancs en voyant celui-ci…
Emouvante vision de ton père en photographe, qui m’évoque aussi le mien, bien sûr,(encore que sa vision de la photo presque exclusivement artistique ne nous a laissé que peu de souvenirs familiaux concrets, il aurait fallu faire un mix entre eux deux pour avoir un vision plus complète… 🙂 )
Oui, c’est tout à fait ça, Claude !!!