Ah … si au moins il n’avait pas plu ….

(premier épisode ici !)

 

J’en étais à hésiter sur la stratégie la plus adaptée à ma situation et au déluge perpétuel, quand un bus vide s’arrêta juste à ma hauteur et ouvrit ses portes dans un pchsiiiiittttt libérateur. J’avais eu le temps de lire sa destination : une ville parfaitement inconnue pour moi, et donc, forcément, sans aucun intérêt.

Le chauffeur se pencha vers moi et m’interpella : « vous allez à la Grande Motte ? ».

 

C’est là que j’ai eu, je crois, la réponse la plus stupide de ma vie étant donné que j’étais stationnée, bras ballants, juste sous le panneau :

« Comment vous le savez ? ».

 

Le visage du chauffeur s’éclaira d’un large sourire : « montez ! »

 

S’il n’y avait eu ce déluge, sans doute ne me serais-je pas engouffrée dans cet espace miraculeusement sec. Sans doute aurais-je posé quelques questions …

Oui, mais là, j’étais trempée et j’en avais marre.

Et quand on en a marre, c’est bien connu, on perd un peu de sa rationalité.

 

La porte se referma pchssiiiiitttt derrière moi : « il pleut », me dit le chauffeur avec à-propos.

Mais toujours en souriant.

N’allez surtout pas imaginer qu’à cet instant je fus prise d’une légitime inquiétude, que je tambourinai la vitre en suppliant, ou que sais-je encore ?

Non, moi, en cet instant, j’avisai un siège libre (pour mémoire, ils étaient TOUS libres), et ouvris avec une anxiété fébrile la housse de mon portable pour en vérifier l’état. Je ne saurai décrire le soulagement qui fût mien en constatant que, si l’extérieur était à tordre, l’intérieur avait quant à lui été préservé.

 

C’est alors seulement que j’engageai le dialogue :

Moi : et vous allez où ?

Lui : ben, à la Grande Motte !

Moi : c’est pas ça qui est écrit sur vot’ panneau

Lui : ah oui … mais je ne sais pas le changer.

Moi : euh … vous n’êtes pas chauffeur de bus ?

Lui : si, mais d’habitude je ne suis pas sur cette ligne, je travaille […..] (S’ensuivit un long développement sur le fait que sa compagnie Bidule venait d’être rachetée par la compagnie Trucmuche, et que lui d’habitude il faisait de trajet de « là » à « là », mais qu’on l’a muté, alors il ne sait pas comment il fonctionne, ce bus, parce que, lui, d’habitude, c’est pas celui-là qu’il conduit et …)

J’écoute médusée. Je ne connais aucun nom, aucun lieu. Moi, je veux juste être au sec et aller à la Grande Motte ….

J’insiste donc :

Moi : mais là, vous allez à la Grande Motte ou pas ?

Lui : oui, c’est pour ça que je suis bien content de vous trouver !

Moi : …. ?

Lui : vous allez m’indiquer le chemin …

 

Il est radieux, cet homme, en cet instant ; son sourire éclaire la nuit et déchire la pluie …

Moi : ah mais non ! c’est la première fois que je viens ici, moi !

Lui : …..

Ses épaules s’affaissent, il fait peine à voir.

 

Lui : comment on va faire ?

Moi : …..

 

Mes neurones, soudain, se reconnectent. Non, non, toujours pas d’affolement. Non, non, toujours pas de mouvement de fuite … Aucun instinct de survie en somme. Juste une vague inquiétude qui s’insinue, et une question qui soudain m’assaille :

Moi : et comment ça se fait que votre bus n’est pas inscrit sur les horaires ?

Lui : vous êtes sûre ?

Moi : ben oui, le dernier est parti il y a au moins 1h et demi !

Lui : mince, j’ai dû me tromper de feuille de route, alors …

 

Et il descend vérifier.

Laissant la porte ouverte et permettant mon évasion …

 

La suite, c’est ici.

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