5
Le vieux passa lentement la porte du Commissariat. Il renifla l’air comme s’il s’était attendu à une odeur spécifique. Puis, traînant les pieds, il se dirigea au ralenti vers le gilet bleu caché derrière l’hygiaphone.
Tout le monde le connaissait à force. Il était apparu de nulle part, il y a au moins 10 ans, et depuis on le voyait déambuler dans la petite ville, de son pas nonchalant. Parfois il poussait un caddy chargé de tout un bric-à-brac improbable qu’il venait ensuite entasser sur son terrain vague autour de sa caravane qui, peu à peu, avait complètement disparu de la vue des passants, sous cet amoncellement d’objets hétéroclites, souvent cassés et la plupart inutiles.
Il n’était vraiment sale. Pas vraiment propre non plus. A peine un peu négligé, mais avec de la tenue, limite de la classe : il avait inventé la clocharditude.
Finalement, tout le monde l’aimait bien, il était respecté dans son choix de vie, lui, le clochard universel et cordial, avec ses clébards toujours sur ses talons.
« Dites voir, c’est ici qu’on cherche un chien ? parce que moi, on m’en a déposé un y a pas deux semaines, tout endormi, qu’il était quand je l’ai trouvé au p’tit matin. J’ai pas bien compris. Surtout que quand elle s’est réveillée, elle avait pas l’air bien commode, la bestiole. Et pourtant, moi, les chiens, je les aime. Mais là … M’enfin, bon, m’a pas mordu, c’est d’jà ça. Mais, bon sang, si vous connaissez le maître, moi, je vous l’ rends de suite, ce fichu clébard ! »
Ainsi donc cette peste hargneuse de Dora, cette incisive créature de l’espèce canine avait bel et bien été enlevée volontairement à l’amour démesuré et exclusif de son maître. Et c’était donc elle, cette absolue crevure si bien dentée, que Gérard cherchait désespérément de maison en maison ce fameux vendredi soir. Pour une fois qu’il avait un but véritable…
C’est alors que tout s’éclaira. L’enquête, orientée dans la bonne direction, put enfin, en recoupant les témoignages, reconstituer les évènements :
Ainsi donc, arrivé ce soir-là au bout de sa quête et n’ayant plus l’espoir de retrouver vivante sa compagne tant aimée, détruit par la vengeance anonyme dont son innocente Dora avait, croyait-il, si cruellement et si irrémédiablement fait les frais, cet imbécile de Michel Gérard (qui n’avait effectivement jamais brillé non plus par son intelligence) avait atteint les limites supportables du chagrin.
Que sa Dora avait pu souffrir, avant son trépas, ce que lui-même avait infligé aux chats du quartier qui s’étaient aventurés (les malheureux) sur son territoire, le brisa … Sa seule issue : maquiller son suicide en crime avec l’ultime jouissance de pouvoir, post-mortem et une dernière fois, EMMERDER SES VOISINS.
Et l’inspecteur Dupond décida, en se rasant ce matin-là, qu’il allait tenter le concours des douanes.
FIN
Ouep ! Mais, nom d’un chien! Comment les Dupont – Dupond n’ont-ils pas subodoré le suicide? une investigation plus poussée aurait dû leur mettre « la puce à l’oreille »… Ils ont manqué de flair, ils avaient pourtant des éléments à se mettre sous la dent! Quand on fait ce boulot, faut avoir les crocs!
Un commentaire qui a du chien. Voire du mordant !
Merci Gilbert !!!!
Mais quel con, ce Gérard. En plus il nous a trimballés pendant quatre épisodes, je rejoins la liste des voisins qui le haïssent.
J’espère que le Risson a d’autres histoires comme celle-là dans sa besace.
Belle chute ma chère! Mais un gilet bleu… hum….
J’ai failli choir. De la chute ! Bien profité, et à ma honte, pas eu l’oeil fauconesque de Marie-Cécile.
Pas mieux que Marie Cécile… Quelle chute ! Décidément sympa le bonhomme.
Oui, enfin, quand on se prénomme ou se nomme Gérard, on n’est quand même pas bien net.
A noter aussi que l’enquête sur Gérard a dû être terriblement éprouvante pour que cet inspecteur laisse choir son T pour acquérir un D entre la 3ème et 4ème scène…
Arch :-))))
Quel œil, MC !!!!!
C’est parce qu’il « avait des lettres et qu’il aimait s’en servir ».
Jolie bouée de sauvetage !! Merci Yves !
Voilà une belle parole de sage !
Prends exemple, toi qui ne m’envoies que des pneus 🙂 !!!!!
Ouais, mais pas dégonflés quand même 🙂
La vérité sur l’inspecteur DuponT-D (Car on peut se demander si ce n’est pas lui, en vrai, le personnage central de ce feuilleton trépidant et plein de rebondissements), c’est que c’est un agenT-D Double ! Il a une façon bien à lui de brouiller les pistes ! Les trafiquants de chocolat à la frontière Suisse n’ont qu’à bien se tenir !
Un suicide ! Qui l’eût cru, qu’il puisse aimer et être malheureux à ce point!
Calculateur, emmerdeur, mauvais jusqu’au bout : son image de marque ne sera pas ternie par sa mort prématurée… La chute est savoureuse.
A noter que le 10 décembre 2018, à 17h17, et dans l’acte 3, Gibbon avait presque trouvé la fin !!!!
Le Gibbon a du nez : je n’y aurai pas pensé !
Et je suis soulagée de savoir qu’aucun de vous n’étiez impliqué 😉
Reste à savoir lequel d’entre nous a peut-être été capable de subtiliser Dora à l’amour exclusif de son maître …