Enquêter sur un meurtre, c’est avant tout enquêter sur la victime. Son passé, son (ex) présent, ses projets, tout est fouillé, analysé, répertorié, étiqueté. Ses photos, ses comptes, le disque dur de son ordinateur, son téléphone, son employeur, ses collègues, ses amis (si elle en a), rien n’est éludé.

Si vous devez être assassiné.e un jour, il faut que vous le sachiez : votre vie sera disséquée. Pire encore : votre vie virtuelle aussi ! Après, c’est à vous de voir si vous voulez, ou pas, continuer à vous engueuler avec vos voisins, votre beau-frère, ou l’amant de votre femme …

 

La vie de Gérard, dont le prénom est Michel, je le rappelle pour ceux qui n’ont pas bien suivi, même si, finalement, cela n’a aucune importance, fût donc fouillée au nom de la justice à rendre. Ce que révéla l’enquête sur la vie de cette crapule n’étonna pas grand-monde. Des partages Facebook de montages ou d’articles orduriers, primaires et surtout racistes, quelques boulots occasionnels (faut bien s’occuper), et surtout une vie gagnée à coups de procès procéduriers visant à compléter le réinvestissement de l’héritage paternel dans des jolis pavillons, loués à prix d’or à des braves gens triés sur le volet par une agence immobilière terrorisée.

Bref, on s’attendait à y trouver tout, tout sauf de l’amour.

Oui, de l’amour ….

L’amour des chiens.

Michel Gérard aimait les chiens. Peut-être pour leur absolue docilité ou encore pour l’image sublimée que leurs regards aimants lui renvoyaient.

Ou peut-être parce que personne, finalement, ne peut vivre sans amour partagé. Même pas lui.

 

Des chiens, il en avait toujours eus. Des bergers allemands. Rien que des bergers allemands. Qu’il avait dressés à être aussi agressifs et enragés que lui, mais avec lesquels il entretenait une relation de symbiose et de compréhension mutuelle hors du commun. Chaque fois qu’une de ces teignes adorées venait à s’éteindre, c’était un drame dont il ne pouvait se remettre que par l’acquisition immédiate d’un nouveau chiot  qui vienne combler le vide sans fond laissé par la disparition de l’ami tant aimé. Oui, c’est étonnant, mais c’est comme ça : finalement, Gérard avait un cœur.

 

C’est donc bien par hasard que l’inspecteur Dupond tomba sur ce qui pouvait être enfin considéré comme une nouvelle piste : dans le courrier que continuait à recevoir feu Michel Gérard, un pli de la clinique vétérinaire rappelait que « Dora » allait devoir être revaccinée dans le courant du mois de juin.

Dora ? Oui, oui, dirent en chœur les ex-voisins, deux retraités plutôt sympathiques au demeurant, géraniums en jardinières sur la terrasse et canapé velours à grosses fleurs dans le salon, et qui, comme tous les autres voisins, commençaient à ressentir les affres de la suspicion s’abattre sur leur quotidien aussi bien rangé que leur intérieur, et la torture de la défiance planer sur leurs relations sociales auparavant si sereines :

« On n’avait pas pensé à vous dire qu’il avait un chien, une chienne d’ailleurs, elle a disparu la semaine dernière. On savait pas que ça pourrait vous intéresser. Ah ça, lui, il était encore plus fou que d’habitude ! Il est rentré chez nous comme un furibond, il s’est mis à chercher son chien partout. Pensez bien, M’sieur l’inspecteur, nous, on en avait trop peur, d’ son chien. On risquait pas d’ lui prendre. Ah ben, non ! Hein Raymond, qu’on en avait peur ? »

 

Je suppute, se dit l’inspecteur (parce qu’il avait des lettres et qu’il aimait s’en servir), un lien entre les deux affaires … et il mit toute son équipe sur le coup. SPA, vétérinaires, avis de recherche placardés, tout fût tenté pour retrouver la fameuse Dora.

 

 

SUITE AU PROCHAIN ET DERNIER EPISODE

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