Crépitement de la pluie frappant les vitres, crissement des ongles acérés d’une sorcière qui demanderait l’hospitalité. Violence du vent, brutalité d’un ogre affamé qui giflait le gracieux bouleau, violentait la frêle clématite, bousculait la pépinière innocente. Décharge électrique, ampoules qui pètent, noir total, nos silhouettes fantomatiques plaquées sur les éclats de lumière blanche, personnages stroboscopiques dans une mauvaise série B. Charlotte hurla que c’était trop, la porte profanée et maintenant l’orage, la rigueur de l’homme et de la femme effrayante et maintenant toute cette fureur tout entière sur nous, sur elle. Un immense craquement couvrit son cri désespéré. Personne n’allait s’occuper d’elle sauf le naïf Vincent qui pensait que son initiative voyeuriste de toute à l’heure ne compterait pas. Nous autres, la laissant tétanisée au centre de la pièce plongée dans le noir, nous étions tournés vers les vrais problèmes. Car un craquement qui savait figer Charlotte pouvait ébranler un logis, nous le savions avant même une tournée d’inspection. La plus petite pièce, sauvageonne paumée, la jumelle bleue, souillon orgueilleuse, et l’autre, veilleuse placide, cette pièce même où nous nous trouvions allaient souffrir. Il fallait rassurer, mettre à l’abri, conforter, protéger, soigner peut-être. Simone fut la première à se ressaisir : d’une voix forte, elle nous dispersa. En quelques bonds, Bastien se trouvait sur le seuil de la plus petite, ils avaient un faible l’un pour l’autre ces deux-là, bien qu’elle le nie. La jumelle bleue s’attira la colère de Simone car il fallait progresser dans un tourbillon de papiers importants pour atteindre la fenêtre grande ouverte par où s’engouffraient les bourrasques. Je me retrouvais seul dans le couloir et je n’avais aucune bonne raison à invoquer pour pénétrer dans l’autre jumelle, pas la bleue, l’autre. Cela valait mieux après tout, de quel secours aurais-je pu lui être ? Quelque chose me disait qu’elle était assez réservée pour ne pas se laisser envahir par les émotions, ni par quoi que ce soit d’ailleurs. Et cela la rendait impénétrable pour moi de toutes façons. Je décidai de revenir vers Vincent et Charlotte. Ils avaient un peu progressé, Charlotte ayant pris la place de la poupée sur le sofa, Vincent était agenouillé à son chevet plus dans la posture d’un prince servant que dans celle d’un chevalier charmant. Je n’allais pas m’inscrire dans le tableau, oh non, j’allais passer mon chemin, oui. A la faveur d’un éclair, je vis que la poupée gisait par terre, étonnée d’être là. Je me penchai sur elle et la relevai avec la délicatesse qu’elle méritait. Je remarquais que sa bouche formait une sorte de sourire que je ne lui avais pas vue jusque-là et que dans mes bras, soudain, elle exprimait un émerveillement, fabriqué bien sûr, mais différent de l’air de joconde compassée qu’on lui attribuait d’habitude quand elle trônait sur le sofa. La recueillir serait ma mission aujourd’hui. Je la serrais contre moi, je serrais son petit corps mou contre ma poitrine, le nez dans ses cheveux qui sentaient la poussière, ses bras ballaient par-dessus les miens, ses jambes battaient mon ventre comme je traversais la pièce. Je comptais nous abriter dans l’alcôve en attendant que les choses se calment. Au moment de m’asseoir, je lissais sa longue robe et arrangeais ses jambes sur les miennes quand un bruit métallique…
Pénétrer la jumelle ? Hoûû ça devient chaud.
Un satisfecit pour la description de l’orage, un passage du tonnerre de Dieu.
Ciel ! Une clef ! Où cela va-t-il nous mener ? Le mystère reste entier au milieu de ce déchaînement des elements.
Que d’agitation fébrile, de tourbillonnement improvisés, de grondement, de bruit et de vacarme dans cette maison. Jusqu’au cliquetis d’une clé qui s’abîme sur le sol… Mais point d’indice sur la révélation du chapitre 4.
C’est inquiétant…
On palpite… une clé ? Quelque chose vient de tomber, sur les lames de ton plancher… ça me rappelle quelqu’un ça !!
Tu mérites le prix gonds courts pour un pareil texte (la description de l’orage … splendide !). Que voilà un récit que l’on suit sans pêne, et avec beaucoup de plaisir.
La clé qui touche le sol… rien d’étonnant ni de mystérieux pour un musicien qui nous conte là une histoire où les pièces personnifiées jouent avec l’esprit de ceux qui y demeurent.
🙂
De bien belles métaphores que tu utilises, là, Monsieur SAGE 747.
Merci Tonton !
poltergeist ou Beyrouth ?
Clef des songes …
Poupée de cire où de son(s)
Entrée dans le fantastique !
Finement écrit.
Déroutant mais fascinant cet esprit des lieux……
Ah merci, c’est beau, émouvant, perturbant…et même charmant car il y a une « faute »(?) de syntaxe…de frappe(?)…et ça frappe mon esprit(?) ou peut-être mon âme? Les chambres ont toutes une âme, on le sait, mais ont-elles de l’esprit? Sans doute oui, car chacune a son style, et le style est une construction d’où l’esprit ne peut pas manquer :-)))…
On attend la suite! La clé qui tombe, d’où, vers où…?
Merci de ta visite, de ta lecture attentive et merci pour ta remarque. C’est corrigé.
Comme dirait l’autre : Relecture et Correction sont les mamelles de la Perfection.